Le grand patron d'Hydro-Québec, Éric Martel, a commis un « impair » dans les négociations avec les Innus sur le projet éolien Apuiat.

C'est ce qu'a conclu mercredi le ministre des Ressources naturelles, Pierre Moreau, qui reconnaît du même souffle que la société d'État a avantage à réduire ses coûts dans ce projet. Il soutient toutefois qu'on ne peut prédire comment ce projet touchera les redevances que versera Hydro à l'État sur 25 ans.

Rappelons que cette controverse est née de l'opposition manifeste d'Hydro au projet Apuiat, alors que le gouvernement souhaite sa réalisation.

Il s'agit en fait d'un projet de parc éolien de 200 mégawatts non loin de Port-Cartier, piloté par Boralex en partenariat avec les Innus, un investissement de 600 millions de dollars qui créerait 400 emplois sur la Côte-Nord et dont l'électricité serait achetée par Hydro-Québec.

Mais, le PDG d'Hydro doute de la viabilité du projet et estime qu'il entraînerait des pertes de 1,5 à 2 milliards sur 25 ans pour la société d'État, ce qui a suscité un tollé chez les communautés autochtones.

« J'ai dit que c'était un impair », a déclaré M. Moreau, en point de presse avant de se rendre à la séance du conseil des ministres. « Vous avez vu la réaction des communautés innues ? »

Du même coup, cependant, dans les négociations en cours depuis trois ans et qui ont repris mercredi, la société d'État doit faire valoir ses intérêts, a admis le ministre.

« Il est clair qu'Hydro-Québec a avantage à réduire ses coûts », a-t-il poursuivi.

M. Moreau soutient toutefois qu'il faut dépasser le critère « purement comptable » et tenir compte des retombées économiques reliées au projet.

Il a aussi rappelé qu'en négociations il y a du « donnant-donnant » et, comme la majorité des installations de la société d'État sont sur le territoire du Plan Nord, elle devra avoir « de bonnes relations avec les Premières Nations » pour le jour où elle voudra ajouter « des turbines, construire des lignes de transmission » ou entrevoir « la possibilité d'harnacher des rivières ».

Par contre, si M. Moreau assure qu'Apuiat peut se réaliser sans nuire au compte d'électricité des Québécois, il est impossible selon lui de prédire si le projet touchera les redevances annuelles d'Hydro versées au gouvernement.

« Je mets quelqu'un au défi de dire si ça touchera les redevances sur 25 ans, a lancé le ministre. Ça prend une boule de cristal, pas une calculatrice pour établir ça! »

Lisée favorable à un coût raisonnable

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, souhaite pour sa part la réalisation du projet éolien Apuiat, mais « à un coût raisonnable ».

L'avis de M. Lisée est plus modéré que ceux de ses deux principaux adversaires.

Pour le premier ministre, Philippe Couillard, ce projet de parc éolien demeure un incontournable. De son côté, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, dit avoir confiance que même les citoyens de la Côte-Nord, qui se verront peut-être privés d'un projet à court terme, comprendront qu'on ne peut se permettre 1,5 milliard de pertes chez Hydro-Québec pour créer des emplois.

« Je suis toujours ahuri de la légèreté avec laquelle François Legault traite de ces sujets-là », a lancé le chef péquiste mercredi à Montréal.

« Il a décidé que ça n'allait pas être rentable. Mais, est-ce qu'il a vu le contrat ? Est-ce qu'il a vu les chiffres ? Moi, je ne les ai pas vus. Je les cherche. »

« Alors, si c'est vrai que c'est 13 cents le kilowattheure, ce ne sera pas rentable. Mais, si c'est moins que 9 cents, si c'est entre 6 et 7 cents, ça sera moins cher que la Romaine, et beaucoup moins cher que les barrages que François Legault veut construire dans le Nord. »

Jean-François Lisée soutient que le fait que ce projet, qui est proposé depuis plus de trois ans par neuf communautés innues et plusieurs communautés blanches, fasse « énormément consensus sur la Côte-Nord » milite en sa faveur.

Le chef du PQ conseille donc à son homologue de la CAQ de ne « pas toujours vouloir tirer la plogue avant d'avoir des renseignements précis ».

M. Lisée espère que le premier ministre qui sera élu le 1er octobre tranchera en tenant compte des avantages et des inconvénients du projet.