Le lock-out à l'Aluminerie de Bécancour (ABI), décrété le 11 janvier dernier, aurait privé Hydro-Québec d'une somme de 41,7 millions.

C'est du moins ce qu'affirme le Syndicat des métallos, affilié à la FTQ, qui représente les 1030 travailleurs qui ont été mis en lock-out. Le syndicat a fait réaliser une étude pour évaluer le manque à gagner, en se basant sur le contrat qui lie Hydro-Québec, le gouvernement et les propriétaires de l'aluminerie.

Lorsque la direction d'ABI avait décrété le lock-out, elle avait en effet affirmé que l'usine continuerait d'être exploitée par des cadres, mais que seulement une ligne de production sur trois serait en activité. L'aluminerie consomme donc le tiers de l'électricité qu'elle doit normalement consommer.

Cette diminution de la consommation d'hydroélectricité par un si gros client entraînerait un manque à gagner de 604 464 $ par jour pour la société d'État, selon l'étude de l'analyste spécialisé dans les questions d'énergie, Jean-François Blain.

Moins de ventes pour Hydro

Jointe au téléphone, Hydro-Québec n'a pas voulu confirmer ni infirmer les chiffres dévoilés par le Syndicat des métallos puisque les données d'un client sont confidentielles. Son responsable des relations avec les médias, Marc-Antoine Pouliot, a toutefois confirmé que «c'est sûr que cela représente des ventes en moins pour nous; les alumineries, ce sont de grands consommateurs».

Interrogé à savoir si Hydro-Québec a pu vendre à d'autres clients cette électricité non consommée par ABI, M. Pouliot a répondu que la situation était plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. «Pendant les périodes de pointe, nos lignes d'exportation sont déjà utilisées au maximum. Qu'un de nos grands clients réduise sa consommation,  ça n'a rien changé, on n'avait pas plus de capacité pour l'exporter.»

Hydro-Québec n'a donc pas pu compenser le manque à gagner jusqu'ici? «Non, pas avec les exportations en période de pointe, car nos lignes d'exportations sont, lors des pointes hivernales, utilisées à pleine capacité.»

Quant à savoir si Hydro-Québec pourra exporter cette électricité au printemps ou à l'été, si le lock-out perdure, «ça dépend toujours de la demande sur nos marchés d'exportation et de la demande au Québec», a noté M. Pouliot.

Lock-out: un act of God?

Au cours d'une entrevue, Dominic Lemieux, adjoint au directeur québécois au Syndicat des métallos, a affirmé que le contrat permet à ABI de ne pas consommer toute l'électricité qu'elle s'est engagée par contrat à consommer, en cas de force majeure. Or, un lock-out serait considéré comme un cas de force majeure, en vertu de ce contrat - ce qui irrite le syndicat.

«ABI signe avec Hydro-Québec un contrat qui les oblige à acheter une certaine quantité d'énergie. Ce bloc d'énergie là est réservé pour eux. Ils sont obligés de le consommer. S'ils ne le consomment pas - exemple, une baisse de production - ils ont des pénalités qui sont rattachées à ça. Il y a des clauses dérogatoires en cas de force majeure. Exemple: s'il y a un feu, une inondation, quelque chose comme ça, ils ne sont plus obligés de prendre ce bloc d'énergie-là. Et dans ces clauses-là, on inclut aussi le lock-out. C'est-à-dire que si l'employeur décide de décréter un lock-out, il n'est plus obligé de consommer cette énergie-là», a dénoncé M. Lemieux.

Il demande donc au gouvernement d'intervenir et de cesser d'affirmer qu'il s'agit là d'un conflit privé, puisque l'aluminerie bénéficie en plus d'un tarif d'électricité avantageux.

«À 600 000 $ par jour qu'on perd comme Québécois, je pense que c'est d'intérêt public. On demande que le premier ministre puisse faire les pressions nécessaires pour retourner à la table de négociation», a plaidé M. Lemieux.

Juste avant le déclenchement du lock-out, les syndiqués avaient rejeté à 80% les dernières offres patronales. Les principaux points en litige étaient alors le régime de retraite et le respect de l'ancienneté dans les mouvements de main-d'oeuvre.

Le 8 mars, la direction d'ABI a fait savoir que «l'offre rejetée ne peut plus servir de base pour un règlement futur» et que l'aluminerie «n'est pas aussi compétitive qu'elle devrait l'être et cette situation doit être améliorée».