Le gouvernement Trudeau voit d'un très bon oeil l'idée de construire une ligne de transport régionale d'électricité reliant le Québec aux provinces de l'Atlantique. Et il est prêt à délier les cordons de sa bourse - si tel est le souhait des provinces - pour contribuer au financement des infrastructures nécessaires à un tel projet qui, selon le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, pourrait être la première étape vers la construction d'une éventuelle ligne de transport nationale est-ouest.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le ministre Jim Carr salue d'ailleurs le récent dégel entre les provinces de Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce dégel, selon certaines informations, pourrait permettre d'envisager une collaboration plus étroite entre les deux provinces pour mieux exploiter, voire exporter les ressources hydroélectriques.

« Je suis encouragé par ce que j'ai entendu des élus des deux provinces. En même temps, les provinces atlantiques veulent mettre de l'avant une stratégie énergétique régionale. Le gouvernement du Canada peut jouer un rôle de facilitateur », a déclaré le ministre Carr, l'un des plus influents du gouvernement Trudeau.

« Les provinces atlantiques pourraient être liées au Québec et entre elles. Cela pourrait aussi ouvrir la porte à des exportations, avec un tel réseau régional, vers le nord-est des États-Unis. » - Jim Carr, ministre fédéral des Ressources naturelles

« J'ai eu des conversations à la fois avec les élus du Québec et les élus de Terre-Neuve-et-Labrador, et le moment où ils seront prêts à discuter des sujets d'intérêt commun de manière sérieuse est presque arrivé », a ajouté le ministre, qui a fait carrière dans le monde des affaires et dans le journalisme avant de faire le saut en politique fédérale en 2015.

NÉGOCIATIONS

Les gouvernements du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador ont entrepris en juillet des négociations pour conclure « une entente de coopération visant à accroître le développement de leurs économies respectives ».

Le premier ministre Philippe Couillard et son homologue terre-neuvien Dwight Ball avaient alors identifié deux dossiers d'intérêt commun : la mise en valeur de la fosse du Labrador et le prolongement de la route 138 située dans la Basse-Côte-Nord au Québec. Une entente formelle entre les deux provinces devrait être signée l'an prochain, indique-t-on à St. John's.

Mais dans le cadre de l'Accord de libre-échange canadien, conclu au printemps entre le gouvernement fédéral et les provinces afin d'éliminer les obstacles au commerce intérieur, Terre-Neuve s'est engagée en quelque sorte à enterrer la hache de guerre avec Québec sur les questions liées à la production d'hydroélectricité.

« Dans le cadre de cet accord, notre province a accepté, à la demande des autres provinces et du gouvernement fédéral, de discuter avec le Québec concernant un projet de ligne de transport. » - Siobhan Coady, ministre des Ressources naturelles de Terre-Neuve-et-Labrador

« Toutefois, il n'y a pas de projets précis qui sont discutés en ce moment », a indiqué la ministre des Ressources naturelles de Terre-Neuve-et-Labrador, Siobhan Coady, dans un courriel à La Presse.

Le bureau du ministre de l'Énergie Pierre Moreau n'a pour sa part pas donné suite aux appels de La Presse à ce sujet.

DES POSSIBILITÉS À L'OUEST ?

En entrevue, le ministre Jim Carr a indiqué qu'il serait aussi possible de construire une ligne de transport régionale entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, d'une part, et entre le Manitoba et la Saskatchewan, d'autre part. Les provinces désireuses d'obtenir du financement fédéral pourraient le faire par l'entremise de la nouvelle Banque de l'infrastructure du Canada ou encore en puisant dans le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone du gouvernement du Canada, doté d'un budget de 2 milliards.

« Nous sommes ici pour faciliter les choses, pour aider, pour être un partenaire financier si cela est possible. Mais la décision incombe évidemment aux provinces, car cela tombe dans leurs compétences. Et le calendrier ne sera pas le même pour toutes les régions. Les politiques sont différentes, les économies sont aussi différentes et les circonstances ne sont pas non plus les mêmes pour tous. Mais le but est d'utiliser nos ressources renouvelables pour réduire notre dépendance envers les ressources émettrices de GES », a affirmé le ministre Carr.

« Il y a plusieurs bonnes raisons pour le gouvernement du Canada d'offrir un soutien financier alors que les provinces négocient entre elles ces lignes de transport régionales qui ont du sens. » - Jim Carr, ministre fédéral des Ressources naturelles

« Ce serait dans l'intérêt des provinces, mais aussi dans l'intérêt du pays. Une ligne de transport nationale pourrait être un projet qui se réalise à long terme. Nous avons la vision de réaliser cela et nous aspirons à le faire », a-t-il ajouté.

Le gouvernement fédéral cherche par tous les moyens à respecter les cibles qu'il s'est fixées en matière de réduction des émissions de GES en vertu de l'accord de Paris, soit de réduire les émissions de 30 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Il mise notamment sur une augmentation de la production d'électricité propre de 80 % aujourd'hui à 90 % d'ici 13 ans. Au moins quatre provinces - l'Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse - dépendent encore, pour la production d'électricité, des combustibles fossiles, qui contribuent aux émissions de GES.

Le ministère des Ressources naturelles a entrepris des études pour identifier des projets d'infrastructure d'électricité permettant de réduire les émissions de GES, l'une dans les provinces de l'Ouest, l'autre dans celles de l'Atlantique. Les résultats de ces études sont attendus d'ici la fin de l'année et les rapports définitifs, au début de 2018.