Des leaders autochtones rencontreront jeudi la direction de Desjardins pour convaincre l'institution financière québécoise de pérenniser son moratoire sur les investissements dans les nouveaux oléoducs canadiens.

Selon Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations pour le Québec et le Labrador, cette rencontre constitue une étape importante pour le vaste mouvement d'opposition aux projets d'oléoducs Énergie Est et Trans Mountain.

Desjardins a décrété un moratoire sur les investissements dans les nouveaux oléoducs en juillet, le temps de revoir toutes ses politiques en matière d'infrastructures énergétiques. André Chapleau, porte-parole de Desjardins, indique dans un courriel que cette révision se poursuit toujours, en sollicitant les avis à l'interne et à l'externe, notamment ceux des Autochtones, justement.

Dans le cadre de ces consultations, les dirigeants de Desjardins rencontreront jeudi plusieurs leaders qui font partie du Traité autochtone contre l'expansion des sables bitumineux, une alliance formée en septembre 2016 par une cinquantaine de Premières Nations au Canada et dans le nord des États-Unis.

Desjardins annoncera sa décision finale à l'automne.

Or, Ghislain Picard croit que l'impact serait majeur si Desjardins décidait que son moratoire devenait permanent.

«L'industrie et son groupe de pression sont très puissants - on sait bien qu'ils ne jetteront pas l'éponge facilement», admet le chef Picard. «Mais on peut, nous aussi, affirmer nos convictions et s'assurer qu'elles seront entendues.»

Les membres du Traité autochtone contre l'expansion des sables bitumineux tenteront aussi de convaincre Desjardins de vendre sa participation de 145 millions $ dans les facilités de crédit de 5,5 milliards $ consenties à Kinder Morgan pour son projet d'accroître la capacité de l'oléoduc Trans Mountain, entre l'Alberta et Vancouver.

Comme la banque ING?

Le grand chef de la Fédération des chefs de la Colombie-Britannique, Stewart Phillip, soutient qu'il faut mener le combat sur tous les fronts. «L'industrie des hydrocarbures dispose jusqu'ici d'un accès quasi illimité aux gens d'affaires et aux investisseurs pour ces projets grandioses. Mais ces projets font maintenant l'objet d'une surveillance accrue, et les gens sont conscients de leurs impacts indéniables sur les changements climatiques.»

Ces pressions ont probablement poussé la banque néerlandaise ING Groep NV, en mars, à se départir de sa participation de 120 millions $ US dans le controversé oléoduc américain Dakota Access, au coeur d'une résistance passive des Autochtones à Standing Rock. ING a ensuite précisé qu'elle ne financerait pas d'oléoducs canadiens.

Kinder Morgan Canada indique toutefois dans un courriel qu'elle a obtenu un important soutien financier pour ses facilités de crédit, notamment par le biais d'une émission publique. Kinder Morgan a intéressé six grandes banques canadiennes à son projet, parmi une vingtaine d'institutions financières, dont Desjardins, qui ont accepté de lui prêter de l'argent.

«Il serait irréaliste de croire qu'un oléoduc interprovincial qui s'étend sur 1150 kilomètres, et qui traverse des dizaines de communautés des Premières Nations et deux provinces, fera l'unanimité», écrit l'entreprise.

Le retrait de Desjardins n'aurait toutefois qu'un impact mineur sur le projet, rappelle l'analyste Dirk Lever, de la firme AltaCorp Capital. «Ce serait autre chose si TD ou la Banque Royale décidaient de se retirer: ça enverrait alors un message énorme.» M. Lever estime que le secteur des oléoducs, et celui des hydrocarbures en général, sont bien trop importants pour que les institutions financières les boudent.