Le Canada et les États-Unis ont deux mois de plus pour régler à l'amiable la dispute sur le bois d'oeuvre, alors que Washington vient de repousser à la mi-novembre une décision sur les droits compensatoires imposés à la frontière.

Plutôt que de dévoiler le taux final de ces droits en septembre, le secrétaire au Commerce Wilbur Ross a indiqué en début de semaine que la décision viendra au plus tard le 14 novembre. Celui-ci disait vouloir laisser une chance aux négociations, qui entrent dans un moment critique.

«Une fois que le taux final (des droits compensatoires) est décrété, le secrétaire ne peut plus négocier avec le pays en question», explique l'économiste en chef du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), Michel Vincent.

D'après une personne au courant des négociations, le signal envoyé par le gouvernement canadien à l'effet qu'il se préparait à emprunter la voie juridique pour régler la dispute commerciale a joué un rôle dans la décision annoncée par M. Ross la semaine dernière.

«La balle est dans leur camp (aux Américains), a expliqué cette personne à La Presse canadienne. Il faut qu'ils nous reviennent.»

Cette situation donnera également un peu plus de répit aux producteurs canadiens, étant donné que les droits préliminaires moyens de 19,88 pour cent ont pris fin samedi dernier. Ainsi, la plupart des scieries n'ont plus qu'à débourser un droit antidumping de 6,87 pour cent pour l'instant.

Jusqu'à présent, cinq producteurs en particulier avaient versé des droits d'entre 9,89 et 30,88 pour cent. Tous les autres devaient payer des droits de 26,75 pour cent.

Une source au sein du gouvernement Trudeau qui n'a pas voulu être nommée a estimé que l'annonce du secrétaire Ross démontrait une «volonté des Américains de conclure une entente avant novembre».

Lorsque questionnée s'il s'agissait de la dernière fenêtre avant que le dossier ne se retrouve devant les tribunaux commerciaux, cette source a répondu: «Nous ne trouvons pas nécessairement que ça soit le cas».

Pour l'instant, les pourparlers sur le bois d'oeuvre semblent avoir été relégués au second plan alors que les États-Unis ont initié la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) avec le Canada et le Mexique.

Long processus?

Selon Richard Ouellet, professeur de droit international économique à l'Université Laval, advenant l'imposition de droits compensatoires finaux par Washington sur les exportations de bois canadien, Ottawa se tournerait rapidement vers le système de résolution des différends prévu au chapitre 19 de l'ALÉNA.

Cela ferait en sorte qu'il pourrait s'écouler plusieurs mois, voire des années, avant que le conflit entre les deux pays ne se règle.

Le scénario actuel est toutefois différent des disputes antérieures sur le bois d'oeuvre, croit M. Ouellet, qui estime que les Américains ont intérêt à ce que les choses ne traînent pas trop en longueur.

«La position canadienne est plus solide que par le passé, affirme le professeur. Prenons entre autres l'exemple du Québec, où le régime forestier a été revu. Les prix (du bois) au Québec sont beaucoup plus près de ceux du marché américain.»

La dispute canado-américaine a fait en sorte que la part du marché américain du bois d'oeuvre détenue par le Canada a reculé à 23 pour cent en juillet, selon des rapports gouvernementaux canadiens mensuels.

En comparaison, elle était de 32 pour cent en septembre 2015, avant l'expiration de l'accord sur le bois d'oeuvre conclu en 2006.

Le Canada a livré pour 5,66 milliards $ US de bois d'oeuvre aux États-Unis l'an dernier.

Entre-temps, la demande de bois d'oeuvre aux États-Unis a fait en sorte que ce pays a dû se tourner vers d'autres pays, comme la Russie et l'Allemagne, pour s'approvisionner. Au cours des six premiers mois de l'année, les importations en provenance d'Allemagne ont notamment bondi de 916 pour cent.

Selon le Conference Board du Canada, l'imposition des droits compensatoires à leurs niveaux actuels pourrait coûter aux producteurs canadiens 1,7 milliard $ par année et faire perdre environ 2200 emplois jusqu'à la conclusion d'une entente.