Les exportations d'électricité d'Hydro-Québec aux États-Unis sont-elles rentables? Trois spécialistes du monde de l'énergie étaient invités hier par Nature Québec à répondre à cette question. Réponse courte: on ne le sait pas vraiment.

REVENIR SUR TERRE

L'électricité québécoise n'est pas l'énergie verte qui fait l'envie de tous, comme on aime à le croire, a souligné Normand Mousseau, physicien qui a coprésidé la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec. « À l'exception des 10 térawattheures qui sont vendus aux États-Unis dans les périodes de pointe, le reste des ventes [20 térawattheures] se fait actuellement au même prix qu'ici », a-t-il expliqué. En outre, l'électricité sert de moins en moins à créer des emplois au Québec, parce qu'Hydro-Québec consent des rabais importants aux entreprises, notamment aux alumineries, sans rien exiger en retour. « On court maintenant après des centres de données qui créent trois emplois : le gardien de sécurité, le concierge et le technicien qui vient changer les disques durs. J'exagère, mais c'est à peu près ça. »

PAYER POUR VENDRE

Selon Jean-Pierre Finet, analyste en énergie du Regroupement des organismes environnementaux, la rentabilité des exportations dépend de qui paiera pour les nouvelles lignes de transport qui permettront d'augmenter les ventes d'électricité aux États-Unis. Dans le cas du projet d'interconnexion Northern Pass, qui nécessite un investissement de 2,7 milliards, Eversource, le partenaire d'Hydro-Québec, dit que c'est Hydro-Québec qui paiera, et Hydro-Québec dit que ce sont les acheteurs qui paieront. C'est loin d'être clair, a-t-il déploré. « Si c'est Hydro-Québec qui prend le risque de payer pour la ligne, ce n'est pas évident du tout que ce sera rentable compte tenu des prix de l'énergie. »

CONDAMNÉS À EXPORTER

Rentables ou non, les exportations sont une nécessité pour Hydro-Québec en raison de ses surplus importants, estime pour sa part Philip Raphals, directeur du centre Élios, un organisme de recherche indépendant. « Actuellement, les exportations produisent des profits importants parce que le coût moyen de production d'Hydro-Québec est bas, autour de 2 cents le kilowattheure », a-t-il précisé. Hydro-Québec obtient actuellement autour de 4 cents par kilowattheure vendu aux États-Unis. Mais les nouvelles centrales ont des coûts de production plus élevés, bien supérieurs aux prix qui peuvent être obtenus sur le marché américain. Le coût de production des installations de La Romaine, toujours en construction, est autour de 8 cents le kilowattheure, estime Philip Raphals, qui souligne le manque de transparence d'Hydro-Québec et l'absence de débat public sur des décisions qui engagent l'avenir de tout le Québec.

Photo tirée du site de l’Alliance québécoise de l’efficacité énergétique

Jean-Pierre Finet, l'analyste en énergie du Regroupement des organismes environnementaux

Photo tirée du site du centre Élios

Philip Raphals, directeur du centre Élios