Les expéditions de bois canadien vers les États-Unis ont considérablement ralenti dans les scieries québécoises, alors que les droits compensateurs de 20 % décrétés par l'administration Trump étaient perçus pour la première fois à la frontière, hier.

Selon Karl Blackburn, directeur principal, affaires publiques et relations gouvernementales, chez Produits forestiers Résolu, l'impact pourrait se faire sentir rapidement sur les emplois.

« C'est clair que ça a un effet négatif, tout le monde est sur le brake et ça a des impacts directs immédiats sur les transactions, dit-il. On va voir comment le marché va se comporter, mais à partir du moment où il y a un ralentissement dans la production, il va y avoir un impact sur les travailleurs, et ça risque de se produire très rapidement. »

Même son de cloche dans plusieurs autres scieries québécoises.

Chez Boisaco, sur la Côte-Nord, les expéditions vers les États-Unis sont stoppées depuis « quelques semaines », affirme le président de l'entreprise, Steeve St-Gelais.

« On est en stand-by pour le moment, dit-il. Aux États-Unis, ça peut créer une rareté, et on va voir comment le marché va réagir. On espère qu'ils vont s'ajuster en conséquence et s'il y a des besoins, ils vont devoir combler l'artifice que leur gouvernement a mis en place, aux frais de leurs consommateurs et de leur industrie de la construction. »

Dans la dernière année, Boisaco a vendu entre 10 et 15 % de sa production aux États-Unis.

Chez Eacom, en Abitibi, les expéditions sont aussi au ralenti. 

« C'est très tranquille depuis la décision des droits de la semaine passée. On n'a pas de grandes ventes aux États-Unis. » - Christine Leduc, directrice, affaires publiques, chez Eacom

Chez GDS, dans Charlevoix, la production est suspendue le temps d'installer un nouveau planeur. « C'était justement prévu par rapport aux dates de l'annonce [du droit compensateur] », explique le directeur des ventes, Glen Meehan.

Pour Martin Scallon, du Groupe Crête, dans les Laurentides, c'est un scénario qui se répète. « On existe depuis 1949, et ce n'est pas la première crise qu'on traverse, dit-il. Nos ventes aux États-Unis sont de 10 à 15 % du total, nos volumes sont plus québécois et ontariens. On a pris des dispositions sur nos coûts d'exploitation pour pouvoir faire face à la situation. Chaque année, on investit dans nos usines et la formation. »

Situation plus épineuse chez Remabec, au Lac-Saint-Jean, qui écoule normalement plus de la moitié de sa production aux États-Unis. Mais l'entreprise n'était pas en mesure de commenter la situation, hier.

DROITS COMPENSATEURS

Le département du Commerce des États-Unis a annoncé lundi dernier l'imposition de droits compensateurs variant de 3,02 à 24,12 % sur le bois d'oeuvre canadien, en réponse à une plainte en subventionnement des producteurs américains.

Cinq grandes entreprises canadiennes se voient imposer un taux individuel. Produits Forestiers Resolu est imposée à 12,82 %. Toutes les autres entreprises sont imposées à 19,88 %, un tarif qui est rétroactif dans leur cas.

En juin, le département du Commerce doit aussi se prononcer sur une plainte anti-dumping et pourrait imposer un autre droit compensateur.

Cela survient alors que la saison des mises en chantier résidentielles bat son plein au sud de la frontière, note M. Blackburn. « Avec ces droits compensateurs, les acheteurs de maisons vont voir les coûts augmenter, dit-il. Ça va avoir des répercussions directes des deux côtés de la frontière, sur l'emploi de la classe moyenne. »

ALENA : Wilbur Ross s'explique

L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est « obsolète » et ne « reflète pas l'état actuel des économies du Mexique, des États-Unis et du Canada », a affirmé hier en entrevue vidéo à Bloomberg le secrétaire au Commerce Wilbur Ross. Il a déclaré vouloir mettre à jour les règles sur le contenu national et inclure les services et la sphère numérique dans le futur accord. « Notre objectif sera double : augmenter les échanges totaux et réduire notre déficit commercial avec le Mexique et, dans une moindre mesure, avec le Canada. » M. Ross s'en est pris au Congrès, qui retarde, selon lui, le début des négociations. « Le Mexique est prêt, le Canada est prêt, c'est le Congrès qui retarde », a-t-il dit.

photo Yuri Gripas, reuters

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