Les cours du pétrole ont baissé vendredi dans le sillage d'une semaine catastrophique, qui les a fait retomber au plus bas de l'année face à la prise de conscience d'une offre toujours élevée.

Le prix du baril de «light sweet crude» (WTI), référence américaine du brut, a cédé 79 cents à 48,49 dollars sur le contrat pour livraison en avril au New York Mercantile Exchange (Nymex), finissant au plus bas depuis fin novembre au terme d'une chute hebdomadaire de plus de 9%.

À Londres, le cours du baril de Brent de la mer du Nord a reculé de 82 cents à 51,37 dollars sur le contrat pour livraison en mai à l'Intercontinental Exchange (ICE), là aussi au plus bas depuis plus de trois mois, ayant perdu quelque 8% sur la semaine.

«Les investisseurs se disent que c'est le moment de vendre», a résumé Mike Lynch, de Strategic Energy & Economic Research. «Ils se mettent à s'inquiéter du haut niveau des réserves.»

Malgré une tentative de rebond en début de séance, les cours ont poursuivi un mouvement brusquement entamé en milieu de semaine, après notamment l'annonce d'un bond des réserves américaines de brut à de nouveaux records.

«Alors que certains investisseurs jugeaient auparavant que la hausse des stocks américains n'avait pas d'importance pour les cours, c'est maintenant devenu la principale inquiétude», s'est étonné dans une note Tim Evans, de Citi.

En effet, le marché n'avait guère évolué lors des précédentes semaines, alors même que le département américain de l'Énergie (DoE) faisait déjà état de réserves de brut sans précédent.

Après un début d'année marqué par de très nombreux paris à la hausse, c'est en fait l'équilibre spéculatif du marché qui semble s'être inversé car «le mouvement de vente engagé par le plongeon de mercredi continue à primer sur d'éventuelles chasses aux bonnes affaires», a souligné M. Evans.

Troubles en Libye

Ce retournement a accentué la prise de conscience, déjà sensible depuis de nombreuses séances dans le discours des analystes, que la production américaine ne cesse d'accélérer et a maintenant retrouvé son niveau d'il y un an.

À ce titre, les investisseurs ont encore pris connaissance vendredi d'une nouvelle hausse du nombre de puits en activité aux États-Unis, selon le décompte hebdomadaire du groupe privé Baker Hughes.

Ce contexte pousse le marché à «s'inquiéter d'un échec de l'accord entre les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et d'autres pays», a prévenu John Kilduff, d'Again Capital.

Cet accord prévoit des baisses de production avec des quotas précis pour chaque signataire et il avait largement contribué à soutenir le marché lors des derniers mois, mais les observateurs craignent qu'il ait aussi ouvert une brèche aux compagnies américaines, les États-Unis n'étant pas impliqués par ce pacte.

«Apparemment, les Saoudiens ne sont pas du tout contents de la reprise de la production américaine de pétrole de schiste et il se pourrait qu'ils ne prolongent pas le pacte», a prévenu M. Kilduff, se faisant l'écho de rumeurs de presse.

L'Arabie saoudite est le principal producteur de l'OPEP et ce sont largement ses efforts qui semblent permettre à l'ensemble du cartel de respecter ses engagements actuels sur une baisse de production - mais ces promesses ne courent pour l'heure que jusqu'à la mi-2017.

«La confiance des investisseurs dans l'effort de l'OPEP pour limiter sa production et augmenter ses prix a pris un coup», a reconnu Enrico Chiorando, analyste chez Love Energy.

Pourtant, du point de vue du marché, toutes les nouvelles venues de l'OPEP n'étaient pas mauvaises, avec notamment un déclin de la production en Libye face à un regain de la guerre civile.

Mais le simple fait que «le marché échoue à rebondir face une telle actualité favorable, (...) cela renforce le pessimisme», a conclu M. Evans.