D'un côté, un employeur industriel qui veut réduire ses frais d'exploitation, en particulier ceux de main-d'oeuvre, dans un contexte où ses dizaines de concurrents internationaux se livrent une guerre de prix sans précédent. De l'autre, 371 travailleurs syndiqués de longue date qui refusent que leur régime de retraite soit la prochaine cible prioritaire de leur employeur pour dégager rapidement des économies.

Voilà sur quelle base s'est amorcée, il y a deux jours, la grève des salariés syndiqués de l'affinerie Zinc électrolytique du Canada (CEZinc), à Valleyfield.

Interrompues, les activités de la vaste usine métallurgique qui emploie en tout 570 personnes pourraient reprendre bientôt « à régime réduit avec l'aide de ses cadres », a indiqué l'entreprise propriétaire de l'usine, le Fonds de revenu Noranda, dont les parts se négocient ces jours-ci à la Bourse de Toronto à leur plus bas prix depuis la récession de 2009.

Quant à un retour à la table des négociations, « nous n'avons pas reçu de nouvelle invitation de l'employeur. C'est entre les mains du conciliateur au dossier », indiquait hier Luc Julien, représentant du syndicat des Métallos (FTQ) auprès des salariés de CEZinc.

À son avis, il faudra que les dirigeants de l'employeur soient prêts à discuter de « mesures alternatives de gain d'efficacité et de réduction des coûts » dans l'usine de Valleyfield avant de cibler le régime de retraite.

CEZinc veut introduire une cotisation graduelle des salariés à leur régime de retraite et réduire d'autant le coût de sa cotisation, encore à 100 % depuis le début du régime.

Aussi, l'entreprise veut repousser l'âge de départ des programmes de retraite anticipée mis en place il y a plusieurs années, afin de gérer l'élimination de postes par attrition lors des phase de modernisation dans l'usine.

« Ces régimes de retraite sont devenus dispendieux dans l'ensemble de nos coûts de main-d'oeuvre qui, eux, comptent pour le tiers de nos coûts totaux d'exploitation. Aussi, nous devons réduire ces coûts dans le contexte où CEZinc doit gérer un changement majeur de ses modalités contractuelles de revenus », a expliqué Eva Carissimi, présidente et chef de la direction de CEZinc.

CHANGEMENT DE TARIFS

CEZinc cessera très bientôt de profiter d'une entente commerciale et à tarifs prédéterminés qui prévalent depuis 15 ans entre son propriétaire, le Fonds de revenu Noranda, et le principal actionnaire de ce dernier, le groupe minier Glencore. Elle passera sous un nouveau régime de tarifs d'affinage basés davantage sur l'état du marché du zinc, donc plus volatils et concurrentiels.

Or, même prévue de longue date, cette transition survient alors que le marché mondial des affineries de zinc subit ses pires conditions depuis de nombreuses années.

Selon des calculs présentés récemment aux détenteurs de parts du Fonds de revenu Noranda, les tarifs d'affinage du zinc oscillent ces temps-ci autour des 40 $US la tonne métrique, comparativement à 175 $US à la fin de l'année 2015.

« Nous ne savons pas combien de temps dureront ces tarifs aussi déprimés dans notre marché. Cependant, nous savons que nos coûts d'affinage chez CEZinc se situent dans le troisième quartile [supérieurs à la médiane] parmi nos quelque 75 concurrents de partout dans le monde », a fait valoir Mme Carissimi.

ADAPTATION

L'impact d'un marché aussi difficile se manifeste dans les récents résultats du Fonds de revenu Noranda : revenus annualisés (quatre derniers trimestres) en baisse de 4 %, à 730 millions, perte d'exploitation annualisée de 3,5 millions comparativement à un surplus de 26,5 millions un an plus tôt, perte nette de 22,6 millions par rapport au point neutre un an plus tôt.

Invoquant le besoin de « protéger ses réserves de liquidités », le Fonds de revenu Noranda a décidé, il y a deux semaines, de suspendre indéfiniment le versement de la distribution mensuelle (l'équivalent d'un dividende) sur ses parts cotées à la Bourse de Toronto. Leur valeur s'est alors effondrée d'un tiers, à leur plus bas niveau depuis 2009.

En réaction, le représentant syndical des Métallos (FTQ), Luc Julien, a indiqué avoir été informé par CEZinc de l'impact de la mauvaise conjoncture de marché sur les principaux résultats de l'entreprise et sa position concurrentielle dans l'industrie.

« C'est une conjoncture difficile, en effet. Mais ça n'explique pas pour autant le refus de l'employeur de discuter de nouvelles mesures d'efficacité dans l'ensemble de l'entreprise, plutôt que de cibler directement le régime de retraite des salariés syndiqués. »

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