Abolie en 2003, Hydro-Québec International (HQI) va renaître de ses cendres. La division d'Hydro-Québec aura à prendre le bâton du pèlerin pour trouver à l'étranger des marchés susceptibles d'être rentables pour la maison mère.

Selon les informations obtenues par La Presse, la réapparition d'HQI sera au centre du « Plan stratégique 2016-2021 » que le président d'Hydro, Éric Martel, doit rendre public aujourd'hui. Le patron d'Hydro a déjà dit publiquement qu'il comptait doubler les bénéfices de la société d'État d'ici 2030, et ce n'est pas du côté des tarifs, étroitement réglementés, que les gains pourront être faits. On compte devenir aussi dynamique à l'étranger qu'Énergie de France, qui depuis longtemps a dépassé les frontières de l'Hexagone.

L'annonce d'Hydro coïncide aussi avec le dépôt, hier à l'Assemblée nationale, du projet de loi 106, sur la « mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 », une refonte majeure amenée par le ministre Pierre Arcand. Le projet de loi fera l'objet d'une consultation publique au mois d'août. « Beaucoup de gens attendent ce projet de loi, des fonds s'accumulent dans le fonds vert et les gens de Gaspésie souhaitent un encadrement », observe M. Arcand.

Hydro a mandaté une firme externe sur l'opportunité de ramener sa division internationale, les perspectives sont extrêmement positives.

La production d'énergie a canalisé passablement d'efforts à HQ, mais le « transport » de cette électricité est autrement lucratif. Une fois le réseau de transport construit, les recettes sont au rendez-vous. Hydro avait vendu Transelec, le réseau électrique chilien acquis à l'époque d'André Caillé sous le gouvernement Bouchard.

Philippe Couillard a signé des ententes avec des pays d'Amérique latine qui pavent la voie à de tels contrats. Même en Alberta, il y aurait une occasion pour Hydro.

Les risques sont faibles. Hydro n'investira pas dans les pays instables politiquement, pas question de travailler à des projets dont la rentabilité n'est pas évidente et, finalement, Hydro ne construira pas de réseaux pour transporter de l'énergie non renouvelable, produite par du charbon ou du gaz naturel.

Le plan stratégique annoncera aussi un calendrier pour la fin des réseaux autonomes dans le nord du Québec, dans les communautés autochtones et aux Îles-de-la-Madeleine. Actuellement, HQ possède 27 génératrices au diesel, dont 14 sont situées dans des communautés autochtones. On voudra remplacer ces centrales par de l'éolien - à la mine Raglan, une éolienne est un succès -, et de petites rivières pourraient aussi générer suffisamment d'énergie pour ces communautés.

Hydro voudra aussi démarcher à l'étranger pour attirer des « data centers » avec l'avantage de l'électricité moins chère et d'immenses terrains vagues dont Hydro est déjà propriétaire.

Finalement, Hydro mise beaucoup sur l'IREQ, son institut de recherche. Déjà, des recettes importantes, 130 millions de dollars, sont à prévoir de l'assemblage d'une batterie au lithium-ion développée par Sony, Esstalion.

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Le projet de loi 106 prévoit la création d'une nouvelle société d'État, « Transition énergétique Québec », qui disposera de 4 milliards durant les 15 prochaines années. Elle sera au coeur de toutes les initiatives du gouvernement pour la réduction des gaz à effet de serre.

M. Arcand repousse rapidement les observations du ministère de la Justice qui craint que les coûts de construction des liaisons électriques pour les réseaux de transports en commun se retrouvent dans les tarifs, et soient assimilés à des taxes déguisées. Il ne craint pas davantage que l'obligation qui sera faite aux distributeurs de maximiser les retombées économiques puisse être dénoncée comme contraire aux engagements commerciaux du Québec avec ses partenaires.

Contrairement aux premières moutures du projet, Transition énergétique Québec ne sera pas responsable du Fonds verts, qui relèvera d'un comité où plusieurs ministères seront représentés.

Le projet de loi précise aussi que la Régie de l'énergie devra favoriser des projets gaziers. On simplifie les rapports de la Régie avec les consommateurs.

Finalement, le projet revoit la Loi sur les hydrocarbures, « un environnement plus strict, mais qui a l'avantage d'être plus prévisible pour les entreprises », observe M. Arcand.

Le Québec ne peut interdire la fracturation, mais il est évident que cette pratique est encadrée étroitement. « Dans les basses-terres du Saint-Laurent, il ne se passe rien et ne se passera rien », a souligné M. Arcand. Les projets de pétrole ou de gaz de Gaspésie sont traditionnels, sans fracturation.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Photo Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

L’annonce du retour d’Hydro-Québec International coïncide avec le dépôt, hier à l’Assemblée nationale, du projet de loi 106, sur la « mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 », une refonte majeure amenée par le ministre Pierre Arcand.

Centres de données

Misant notamment sur ses surplus ainsi que ses bas tarifs, Hydro-Québec compte attirer d'importantes sociétés spécialisées dans l'hébergement de données, un secteur énergivore, notamment en faisant miroiter le tarif de développement économique pour la clientèle de grande puissance.

Cette initiative prévoit une réduction de 20 pour cent sur le tarif actuellement applicable pour des sociétés qui comptent de nouvelles installations exigeant une puissance d'au moins un mégawatt.

La société d'État misera sur les nombreux terrains vacants qu'elle possède aux quatre coins du Québec. Elle compte attirer les sociétés exploitant des centres de données en leur soumettant des offres agressives.

Autres faits saillants du plan

- Hydro-Québec prévoit aussi un échéancier afin de convertir l'alimentation des réseaux autonomes dans le nord du Québec à des sources d'énergies plus propres et moins dispendieuses. Pour l'instant, ces réseaux sont souvent approvisionnés au diesel. La société d'État compte ainsi lancer des appels de propositions d'ici 2020 pour certaines communautés autochtones ainsi que pour les Îles-de-la-Madeleine.

- Des investissements de 4,3 milliards de dollars sont prévus d'ici 2020 dans les installations de production et de transport de la société d'État qui se trouvent sur le territoire du Plan Nord. La puissance de ces installations devrait augmenter de 1140 mégawatts.

- Hydro-Québec souhaite profiter des cinq prochaines années pour déterminer le cours d'eau qui sera le théâtre de son prochain chantier hydroélectrique d'envergure une fois que le projet La Romaine sera achevé. Des études préliminaires auront lieu au cours des prochaines années et une décision devrait être prise vers 2020.

- Elle désire commercialiser, avec son partenaire, les batteries de grande capacité de la coentreprise Technologie Esstalion et accroître la présence de sa filiale TM4 - spécialisée en motorisation électrique - sur les marchés internationaux.

- Critiquée pour son manque de transparence ces dernières années, Hydro-Québec souhaite améliorer sa productivité et la qualité de son service à la clientèle, notamment en simplifiant la compréhension des factures et en assurant un traitement efficace des demandes.