Québec a rendu publique hier après-midi son Évaluation environnementale stratégique quant à l'éventualité d'exploiter du pétrole et du gaz naturel à Anticosti. La réponse définitive du gouvernement n'est pas encore connue, mais les obstacles seront nombreux pour l'industrie pétrolifère dans l'île du golfe du Saint-Laurent.

L'évaluation pour l'île d'Anticosti a été préparée par le gouvernement du Québec, qui a réuni pour l'occasion un comité formé de plusieurs experts. Le document d'une centaine de pages propose neuf recommandations.

Ces recommandations ne ferment pas la porte à l'exploitation pétrolière dans l'île, mais les conditions à remplir seront nombreuses avant que l'industrie n'obtienne le feu vert du gouvernement du Québec.

Les recommandations portent entre autres sur l'approvisionnement en eau, la fracturation hydraulique et la contamination des nappes phréatiques, autant d'enjeux importants pour une éventuelle fracturation hydraulique à Anticosti. On souligne aussi l'importance d'acquérir de nouvelles connaissances scientifiques avant d'autoriser tout projet.

CONSULTATION

La communauté d'Anticosti devra également « être impliquée sur les choix relatifs aux projets de développement envisagés pour l'île ». De plus, « la mise en valeur des hydrocarbures devra se faire sans compromettre les intérêts de conservation de l'île d'Anticosti, notamment en évaluant la possibilité d'étendre les aires protégées ».

« Je trouve que leurs recommandations vont dans le même sens que les nôtres, affirme Christian Simard, directeur général de Nature Québec. Selon nous, il est temps que le gouvernement s'assoie avec les promoteurs pour trouver une solution pour éviter que les frais ne s'accumulent dans ce dossier. »

L'Association pétrolière et gazière du Québec et Pétrolia n'ont pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse.

Photo Ivanoh Demers, archives La Presse

Plusieurs entreprises ont évalué le potentiel pétrolier de l’Île d’Anticosti.

Nature Québec dit non au pétrole à Anticosti

Le gouvernement du Québec ne doit pas autoriser la fracturation hydraulique pour exploiter le pétrole d'Anticosti. C'est la principale conclusion d'un rapport d'une cinquantaine de pages qui sera rendu public ce matin par Nature Québec. L'organisme propose plutôt d'améliorer l'accès à l'île pour mieux mettre en valeur son potentiel touristique en débloquant un fonds de diversification économique pour Anticosti.

Mieux à faire avec Anticosti

Nature Québec ne s'en cache pas. L'organisme voué à la défense de l'environnement espère toujours empêcher toute exploitation pétrolière dans l'île d'Anticosti. « On espère que ce rapport va servir au gouvernement avant de statuer sur les certificats d'autorisation [pour autoriser les forages], lance son directeur général Christian Simard. On croit qu'il y a mieux à faire avec Anticosti. »

Des risques et un potentiel incertain

La fracturation hydraulique envisagée à Anticosti pourrait avoir des impacts importants, rappelle Nature Québec. « À ce stade-ci, on trouve qu'il y a beaucoup d'éléments de risques et d'incertitude pour la fracturation », signale Sophie Gallais, chargée de projet à Nature Québec. L'hydrologie de l'île, encore mal documentée, pose des risques pour la contamination de l'eau et des écosystèmes avec cette technique qui recourt à plusieurs additifs chimiques. La fracturation nécessite aussi un très grand volume d'eau, ce qui obligerait l'industrie à puiser son eau dans deux rivières reconnues pour la pêche au saumon.

Un patrimoine à protéger

Anticosti, c'est bien sûr le cerf de Virginie et le saumon de l'Atlantique. Mais l'île abrite aussi une biodiversité riche et diversifiée. On y retrouve plusieurs espèces floristiques endémiques. C'est aussi une halte migratoire de choix pour plusieurs espèces d'oiseaux, dont le pygargue à tête blanche. Quatorze espèces de mammifères marins fréquentent ses eaux, dont le béluga, note Nature Québec. 

Une cohabitation impossible ?

Les 400 sites de forages prévus occuperaient jusqu'à un tiers de l'île. Selon Nature Québec, la fragmentation des milieux naturels sera telle qu'il y aura nécessairement des impacts sur la chasse et la pêche, deux piliers économiques pour l'île. « Selon nous, la cohabitation entre ces deux activités est impossible », estime Sophie Gallais. « Le gouvernement doit abandonner l'idée d'exploiter le pétrole, mais ne doit pas abandonner Anticosti, qui possède une richesse écologique dont on ne peut se passer. » « Qu'est-ce qui va arriver une fois le rêve pétrolier dégonflé ?, ajoute Christian Simard. Il faut s'assurer de la conservation et de la relance d'Anticosti, c'est ça, notre plan de match. »

Pour consulter le rapport de Nature Québec, « Anticosti et le pétrole : ce qu'il faut savoir. Faits, impacts et perspectives d'avenir »: https://www.naturequebec.org/fileadmin/fichiers2015/projets/Anticosti/20160526_Rapport_Anticost_VersionWeb.compressed.pdf