Les pays producteurs de pétrole, durement frappés par l'effondrement des cours, sont presque tous contraints de prendre des mesures impopulaires qui se traduisent par la hausse des prix à la pompe.

«C'est la malédiction pétrolière pour les pays dont les revenus dépendent de l'or noir», a expliqué à l'AFP Jean-Marie Chevalier, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine, au lendemain de la décision saoudienne d'appliquer des mesures d'austérité incluant des augmentations de plus de 50% du prix de l'essence.

Première économie arabe et premier exportateur mondial de pétrole, l'Arabie saoudite subit de plein fouet les conséquences de l'effondrement du baril, dont elle est en partie responsable en raison de son insistance à défendre ses parts de marché plutôt que les prix.

Son déficit budgétaire frôle les 100 milliards de dollars et il met à rude épreuve les réserves financières de Riyad de 800 milliards de dollars. Pour y remédier, le royaume adopte un plan d'austérité qui prévoit notamment de réviser les subventions touchant les prix des carburants, suivant l'exemple d'autres pays pétroliers.

Plusieurs pays du Golfe s'y sont déjà résolus, et d'autres pays hésitent encore, contribuant à installer ce paradoxe: la chute du pétrole fait baisser les carburants dans les pays consommateurs, mais les fait augmenter dans les pays producteurs.

«Les prix du pétrole ont baissé, mais les Nigérians vont payer plus cher le litre de fioul», s'est insurgé le Pengassan, syndicat des cadres de l'industrie pétrolière du Nigeria, principal producteur subsaharien après l'annonce du gouvernement de mettre fin à de coûteuses subventions en 2016, jugeant qu'elles ne sont pas nécessaires quand le prix du baril est sous la barre des 60 dollars.

Ce type de subventions sont largement utilisées par les gouvernements des pays producteurs pour «acheter la paix sociale» en offrant du carburant bon marché aux citoyens, explique M. Chevalier. En 2015, elles pèsent 600 milliards de dollars, selon le FMI.

L'alerte du FMI 

Au printemps, le Fonds s'était alarmé du coût des subventions publiques aux prix de l'énergie sur le globe. «Ramener les prix énergétiques à un prix juste peut aider les gouvernements à atteindre leurs objectifs sur l'environnement mais également (...) en terme de finances publiques saines», a-t-il préconisé.

Certains pays ont suivi ses conseils pour éviter une crise budgétaire. Les Émirats arabes unis ont libéralisé dès le mois d'août les prix de l'essence et du diesel.

Le Koweït aussi a levé les subventions sur le diesel et le kérosène et envisage maintenant d'autres réductions pour l'électricité et l'essence.

Et Bahreïn a suivi l'exemple lundi en annonçant une réduction des subventions sur le diesel et le kérosène à partir de janvier.

D'autres pays producteurs tentent de limiter l'impact comme l'Équateur qui a annoncé en octobre la suppression de 40% des subventions, notamment pour le secteur industriel ou naval. «Nous les avons réduites pour les riches, pas pour les pauvres», a expliqué le président Rafael Correa.

L'Algérie, pour sa part, a choisi de réduire modérément les subventions. Les prix à la pompe de tous les carburants vont certes augmenter d'environ 15% en monnaie locale grâce notamment à une hausse de la TVA. Mais le prix restera quand même faible à 0,22 euro pour l'essence super.

«Mais il y a aussi des pays qui ne veulent rien entendre. C'est le cas du Venezuela où l'essence est quasiment gratis», où le litre ne coûte que 0,015 dollar, reconnaît M. Chevalier.

Le pays sud-américain, où l'opposition a remporté les récentes élections législatives, se trouve dans une situation économique et politique tendue.

Le président Nicolas Maduro a certes prévenu il y a un an que les prix des carburants allaient augmenter, mais aucune mesure n'a été prise pour l'instant.

Le Venezuela figure parmi les pays de l'OPEP où l'essence est la moins chère, aux côtés de l'Algérie, la Libye et l'Iran.

Dans le pays voisin, en Colombie, le gouvernement n'envisage pas non plus de réduire ses subventions.