Le visage noirci, des milliers de mineurs émergent chaque jour des entrailles de la Terre à Datong, mais après des années d'envolée, la demande chinoise de charbon --première source de pollution du pays-- ralentit nettement, et le secteur est plombé par les surcapacités.

Tongmei Group est emblématique des entreprises d'État chinoises --mastodontes à la gestion hasardeuse et à la rentabilité limitée, que Pékin s'efforce de réformer.

À Datong, ville de trois millions d'habitants dans l'aride province du Shanxi, Tongmei reste le poumon de l'économie locale, avec 200 000 employés (dont les familles totalisent un million de personnes), de vastes parcs de logements et même des hôpitaux qu'il administre.

Le charbon, dont la Chine est le premier consommateur mondial, reste l'indispensable carburant de la croissance économique du pays, fournissant quelque 70% de sa production électrique. La consommation du pays a doublé sur la décennie 2004-2014, jusqu'à dépasser 4 milliards de tonnes par an.

Le coût est lourd: une explosion des gaz à effet de serre et une pollution atmosphérique endémique, dont l'épisode d'«airpocalypse» en cours à Pékin fournit une saisissante illustration.

Mais cet «âge d'or» du charbon pourrait toucher à sa fin, avec le net ralentissement de la croissance économique chinoise, au plus bas depuis un quart de siècle.

Le volume de charbon que brûle la Chine ne progresse plus qu'au ralenti, et les cours dégringolent à des niveaux plus vus depuis une décennie.

Si Pékin a approuvé cette année la construction d'au moins 150 nouvelles centrales à charbon, celles-ci pourraient rester partiellement inemployées et contribuer à gonfler une bulle de production d'électricité, avertit l'ONG Greenpeace.

Pris en étau, le groupe Tongmei se voit contraint de raboter les salaires et d'accroître son offre --la mine opère 24 heures/jour, avec une capacité maximale de production de 6000 tonnes/heure.

«Si nous ne produisons pas davantage, nous ne pourrons plus continuer à opérer et à payer les employés», soupire un responsable, Liu Congying. «Ce n'est clairement pas une stratégie durable».

Stabilité sociale mise à l'épreuve

Très dépendant du charbon, le Shanxi (40 millions d'habitants) a vu son PIB n'augmenter que de 2,8% cette année, très en dessous de la croissance nationale.

«Il nous faut préserver la stabilité sociale», insiste M. Liu, qui descendait dans les mines dans les années 1960.

Mais son groupe en a-t-il encore les moyens? «Il est probablement à court d'argent», avertissait Zhang Zhibin, analyste du secteur.

Un conglomérat minier du Heilongjiang (nord-est) avait fait sensation en septembre en annonçant le licenciement de... 100 000 personnes. Symptôme-choc d'un milieu sinistré.

Pour M. Zhang, la consommation chinoise de charbon a atteint un sommet et pourrait commencer à reculer durant les prochaines années: une aubaine pour limiter les émissions polluantes du pays (Pékin s'est engagé à stabiliser ses émissions de CO2 autour de 2030), mais un désastre pour les villes comme Datong.

«Les faillites vont se multiplier», prévient-il.

Le premier ministre Li Keqiang a récemment appelé à «diminuer les surcapacités des industries traditionnelles et le nombre des firmes-zombies», qui survivent grâce aux subsides publics. Il visait, selon l'exégèse des médias d'État, le secteur minier et la sidérurgie.

«Le secteur étatique est inefficace, mais il garde un rôle crucial dans le tissu social», tempérait Joe Zhang, consultant et ancien gestionnaire d'entreprise publique. Inquiet du chômage et du mécontentement populaire, Pékin pourrait maintenir son soutien financier.

Des mines mais pas de touristes

Un mineur de 38 ans, M. Xu, accueille l'AFP dans son appartement de Datong, fourni par l'entreprise et équipé d'un aquarium, d'un téléviseur à écran plat et du chauffage central. «Nos logements sont bien meilleurs qu'auparavant», remarque-t-il.

Témoin de la prospérité du secteur, son salaire a été multiplié par 10 entre la fin de la décennie 1990 et ces dernières années, pour atteindre jusqu'à 6000 yuans mensuels (1270 dollars CAD). Mais cette année, sa rémunération a fondu de 15%.

Soucieux de diversification, les officiels du Shanxi entendent doper le tourisme et attirer des industries manufacturières. Tongmei Group, de son côté, se lance dans l'électricité et l'industrie chimique.

Mais M. Xu a du mal à imaginer sa ville en centre touristique ou en havre du secteur des services. «Qui pourrions-nous servir? Si des dizaines de milliers d'entre nous fondent leurs sociétés, quels clients achèteront nos produits?», s'interroge-t-il. «Nous n'avons rien ici. Juste le charbon».