Les mauvais payeurs coûtent cher à Hydro-Québec, mais l'entreprise recouvre ces coûts de façon exagérée, ce qui pénalise l'ensemble de sa clientèle.

C'est ce que soutiennent les associations de consommateurs devant la Régie de l'énergie, qui a commencé vendredi l'examen public de la demande tarifaire d'Hydro-Québec pour 2016.

Hydro a déposé vendredi une requête revue à la baisse par rapport à la demande de 1,9% qu'elle avait soumise en juillet dernier, soit 1,7% pour le secteur résidentiel.

Même moindre, cette hausse est encore trop élevée, soutient Marc-Olivier Moisan-Plante, le spécialiste en énergie de l'Union des consommateurs.

Une des raisons, c'est que certains coûts qui servent à justifier les hausses de tarifs sont surévalués, explique-t-il. C'est le cas des mauvaises créances, dont le coût est récupéré par Hydro en partie à même le fonds de roulement qu'elle maintient, et aussi par les frais d'administration de 14,4% qui s'appliquent aux factures payées en retard.

Le fonds de roulement maintenu par Hydro a un coût, soit un taux d'intérêt de 7,04% qui se répercute directement sur les tarifs et est payé par tous les clients. Les frais d'administration de 14,4% sont payés uniquement par ceux qui ne paient pas leur facture à temps.

Les clients qui paient à temps paient aussi pour ceux qui sont en retard, à même le tarif d'électricité. Ceux qui paient en retard paient doublement, par leur tarif et par les frais d'administration qui leur sont imposés.

Double compensation

C'est ce qui s'appelle une double compensation en langage réglementaire. Et Hydro-Québec récupère beaucoup d'argent dans le processus, soit 7,04% pour son fonds de roulement et 14,4% sur les factures en retard, pour un total de 21,44%.

«Loin d'être nécessaires afin de combler un manque à gagner, les frais d'administration génèrent plutôt des rendements exorbitants sur les sommes immobilisées, et deviennent une activité dont la rentabilité ferait l'envie de plusieurs», plaide l'Union des consommateurs devant la Régie.

En fait, on peut même parler de triple compensation, selon Marc-Olivier Moisan-Plante. «La redevance d'abonnement de 40 cents par jour [12$ par mois par client] sert aussi à ça, récupérer les pertes sur mauvaises créances», explique-t-il.

La députée de Saint-Hyacinthe Chantal Soucy, ancienne employée d'Hydro-Québec, condamne aussi cette pratique.

Elle estime qu'étant donné qu'Hydro-Québec récupère le coût des mauvaises créances autrement, les frais de retard de 14,4% sur les factures impayées sont beaucoup trop élevés. «Ce taux est de 2,4% supérieur au taux d'intérêt de 6% de Revenu Québec sur les créances d'impôt impayées», souligne-t-elle.

Hydro-Québec conteste cette interprétation et nie qu'il y ait double compensation dans son traitement des comptes en souffrance.

Cette question de la double compensation prend toute son importance du fait que les mauvaises créances sont en forte augmentation chez Hydro-Québec.

Les augmentations de tarifs, de même que les deux derniers hivers très froids, ont fait exploser les factures d'électricité. Le montant total des mauvaises créances, qui était de 71,7 millions en 2011, passera à 103,8 millions en 2016, prévoit Hydro.

En 2014, 288 000 ménages, un nombre record, ont connu des difficultés de paiement et ont dû prendre une entente avec Hydro-Québec.