L'annonce de la suppression de 6000 emplois en Afrique du Sud dans les mines de platine du géant Lonmin est un nouveau coup dur pour l'économie du pays, en panne de croissance et incapable de résorber un chômage qui frappe plus d'un quart des actifs.

«C'est un bain de sang pour l'emploi dans l'industrie minière», a immédiatement réagi le puissant syndicat des mines NUM.

La référence au «bain de sang» n'est pas anodine s'agissant de Lonmin, puisque c'est sur son site de Marikana (nord) qu'avait eu lieu en août 2012 la pire tuerie depuis la chute de l'apartheid en Afrique du Sud. Trente-quatre mineurs en grève y avaient été abattus par la police, après plusieurs journées de tensions et de violences.

«Cette décision brutale de Lonmin va plonger des milliers de mineurs dans une situation catastrophique», déplore le syndicat des mines.

«Chaque mineur fait vivre en moyenne cinq ou six personnes, et même plus à cause de l'épidémie de Sida», note pour sa part Ian Cruickshanks, chef économiste à l'Institut sud-africain des relations entre les races. «Donc les conséquences sociales seront considérables et inévitables».

Le chômage a en effet battu au premier trimestre cette année un record depuis 2003, à 26,4 % de la population active selon les données officielles, et à plus de 40 % si l'on prend en compte ceux qui ont renoncé à chercher du travail.

Vendredi matin, Lonmin a annoncé la fermeture de deux puits, décision qui devrait à terme conduire à la suppression de plus d'un sixième des 37 000 emplois de la compagnie minière en Afrique du Sud (28 000 employés, plus 9000 intérimaires).

«Ces mesures», assure Lonmin, «permettront de protéger la majorité de la main-d'oeuvre, mais un total de 6000 employés, y compris des intérimaires, vont probablement être affectés par ces fermetures».

Lonmin, qui a lancé le processus légal de consultation des partenaires sociaux, annonce parallèlement que des efforts sont en cours pour proposer un plan «afin d'éviter des licenciements secs» par des redéploiements, des formations, et d'autres mesures de limitation des coûts qui n'affecteraient pas l'emploi.

Croissance en berne

Le gouvernement a réagi assez mollement vendredi matin. Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère des Ressources naturelles a simplement rappelé que «l'objectif du ministère est de faire en sorte que le secteur crée et préserve des emplois».

«Personne ne peut être licencié avant que les procédures légales n'aient été complètement respectées», a ajouté le porte-parole, M. Mahlodi Muofhe. «Ce n'est pas aussi facile. On ne peut pas juste se lever le matin et dire ''nous licencions des employés à cause de la volatilité du marché''».

Lonmin, numéro trois mondial du platine, justifie ces coupes claires par les pertes engendrées à la fois par la chute des cours des matières premières et par la hausse des coûts.

Explication réaliste, selon Dennis Dykes, chef économiste à Nedbank: «En Afrique du Sud, les coûts ont augmenté plus rapidement qu'ailleurs, avec la hausse des tarifs de l'électricité et la hausse des salaires», explique-t-il à l'AFP. «Il faut s'attendre à d'autres fermetures de mines ou de puits, sinon ce sont les compagnies minières qui vont s'effondrer».

Lonmin, comme tout le secteur minier sud-africain, a dû lâcher du lest sur les salaires à l'issue des grandes grèves de 2012 à 2014.

Mais, commente l'économiste Ian Cruickshan, «les mineurs sud-africains n'ont pas pris conscience que les hausses de salaire doivent aller de pair avec une meilleure productivité. C'est triste, mais c'est un fait».

Quoi qu'il en soit, cette baisse annoncée de l'activité minière ne pourra qu'affecter un peu plus l'économie la plus industrialisée d'Afrique, dont la croissance est déjà en berne depuis plusieurs années.

Le pays est confronté depuis décembre à des coupures d'électricité tournantes, faute d'une production suffisante, et la croissance au premier trimestre 2015 a plafonné à 1,3 %.

La Banque centrale ne cesse de revoir ses prévisions à la baisse pour 2015 et 2016, respectivement à 2 % et 2,1 % selon les dernières estimations. Alors qu'il faudrait au pays, selon les économistes, une croissance de 5 % à 7 % pour résorber son chômage chronique.