Malgré des stocks importants sur les marchés internationaux et la déprime des prix de la tonne d'aluminium, le gouvernement Couillard souhaite voir le Québec doubler la transformation de ce métal d'ici 10 ans.

En vertu de la Stratégie québécoise de développement de l'aluminium dévoilée vendredi - et annoncée dans le dernier budget -, la valeur des livraisons devrait ainsi passer de 5 milliards $ à 10 milliards $ en 2025.

Dotée d'une enveloppe de 32,5 millions $, elle comprend 27 mesures et trois grands axes, soit mettre en place un environnement favorable à la transformation de l'aluminium, renforcer l'ensemble de la filière québécoise et assurer sa compétitivité.

D'après des données de 2014, le secteur québécois de l'aluminium représente 30 000 emplois répartis dans 1500 entreprises.

Le document de 60 pages prévoit que l'aluminium pourra concurrencer les autres matériaux lorsque le ministère des Transports lancera des appels d'offres. On pourra ainsi intégrer ce métal dans la construction d'édifices publics.

À l'instar de l'industrie, la stratégie identifie d'importantes occasions d'affaires en Amérique du Nord, où le géant de l'automobile Ford s'est entre autres tourné vers l'aluminium pour construire sa populaire camionnette F-150.

«Ce sont les secteurs qui tirent vers le haut la demande, estime le président et chef de la direction de l'Association de l'aluminium du Canada (AAC), Jean Simard. À cause des nouvelles normes de réduction d'émissions, les constructeurs doivent absolument alléger le poids des véhicules.»

D'autres constructeurs, comme General Motors et Tesla, emboîtent le pas, ce qui, selon M. Simard, devrait stimuler la demande à l'endroit des producteurs primaires d'aluminium.

Actuellement, près de 2,7 millions de tonnes métriques sont produites annuellement par Rio Tinto Alcan (RTA), Alcoa et Aluminerie Alouette, qui exploitent neuf alumineries à travers la province.

Les dernières années se sont toutefois avérées difficiles pour les producteurs d'aluminium, puisque l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché a considérablement fait diminuer le prix de la tonne, qui est passé de 3000 $ US à près de 1700 $ US depuis 2008.

La stratégie n'aborde pas l'aspect des tarifs hydroélectriques accordés aux alumineries, au même moment où RTA et Alouette veulent revoir leurs ententes d'approvisionnement afin d'obtenir des tarifs plus bas, comme Alcoa.

Questionné sur le sujet en conférence de presse à Saguenay, le premier ministre Philippe Couillard a laissé entendre que le dossier pourrait être réglé plus tôt que tard.

«Les conversations vont bien, s'est-il limité à dire. Pour les projets de nouvelles alumineries, nous avons d'autres conversations. On veut arriver rapidement à une entente avec les alumineries existantes.»

Sans menacer de fermer ses usines québécoises comme l'a fait Alcoa il y a quelques années, Alouette retarde son investissement de 2 milliards $ pour la construction de la troisième phase de son aluminerie à Sept-Îles.

De son côté, le dirigeant de l'AAC, qui représente entre autres RTA, Alouette et Alcoa, a estimé qu'il s'agissait de négociations avec des entreprises privées et que le dossier des tarifs d'hydroélectricité n'avait pas nécessairement à faire partie de la stratégie.

Production plus verte

Québec entend également faire rayonner l'industrie primaire de l'aluminium grâce à sa performance en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre (GES).

La stratégie fait valoir que l'empreinte carbone moyenne d'un lingot d'aluminium est «d'environ 50 pour cent inférieure» à la moyenne mondiale, qui ne tient toutefois pas compte de la Chine, le premier producteur mondial.

En incluant la Chine, l'avantage carbone québécois serait plus prononcé, étant donné que c'est le charbon qui alimente principalement les alumineries chinoises, fait-on valoir dans le document.

Dans un communiqué, cet aspect a été salué à la fois par la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) ainsi que Switch, l'Alliance pour une économie verte au Québec.

«La nouvelle stratégie (...) positionnera les entreprises québécoises comme des leaders dans la production à faible empreinte carbone», a souligné la présidente-directrice général de la FCCQ, Françoise Bertrand.