La société pétrolière Enbridge (T.ENB) semble ouvrir la porte à une expansion de son projet de la Ligne 9B entre l'Ontario et Montréal, et ce, même si l'inversion du flux de son oléoduc n'a pas encore été complétée.

Selon un document présenté la semaine dernière aux analystes et investisseurs, l'équivalent d'environ 70 000 barils de brut supplémentaires par jour pourrait ainsi être acheminé par le biais de la Ligne 9B.

Puisque divers projets à large échelle demeurent bloqués par des procédures juridiques et réglementaires, l'entreprise établie à Calgary dit vouloir explorer plusieurs expansions à faibles coûts de ses réseaux d'oléoducs.

Au cours d'un entretien téléphonique, lundi, un porte-parole d'Enbridge, Éric Prud'Homme, a affirmé qu'il s'agissait d'une option, ajoutant qu'elle ne sera pas nécessairement exercée prochainement par l'entreprise.

«Cela va se faire s'il y a une demande de la part de raffineurs québécois pour du pétrole canadien, a-t-il souligné. Rien ne sera fait sans demande supplémentaire.»

Le projet initial d'Enbridge prévoyait transporter entre 240 000 et 300 000 barils de pétrole par jour vers les raffineries du Québec et de l'Ontario en provenance des sables bitumineux de l'Alberta.

Selon M. Prud'Homme, les installations de Suncor et Valero au Québec peuvent actuellement raffiner quotidiennement quelque 400 000 barils, de sorte qu'une augmentation de la capacité de l'oléoduc 9B à 370 000 barils par jour n'excéderait pas la capacité annuelle.

Il a également assuré qu'une éventuelle expansion serait précédée d'une consultation publique et qu'une demande devra être soumise à l'Office national de l'énergie (ONÉ).

M. Prud'Homme n'a toutefois pas été en mesure d'indiquer à quel moment l'oléoduc pourrait acheminer jusqu'à 370 000 barils au Québec.

«Le long terme est difficile à cerner, a-t-il dit. L'auditoire pour lequel cette information a été donnée est composé de gens qui font des investissements à long terme et qui ne retirent pas leurs billes après sept ans.»

La canalisation 9B traverse des centaines de cours d'eau avant d'aboutir à Montréal-Est, ce qui inquiète plusieurs groupes écologistes et des communautés locales. L'oléoduc traverse notamment Toronto en plus de longer le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Terrebonne, sur la Rive-Nord de Montréal.

Au Québec, il traverse entre autres la rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et celle des Outaouais.

Pour le responsable de la campagne climat et énergie chez Greenpeace, Patrick Bonin, une augmentation de la capacité de la canalisation 9B ne ferait qu'augmenter les risques pour les communautés à proximité du trajet.

«Inévitablement, les conséquences d'un déversement vont être plus grandes parce que les quantités transportées sont plus importantes», a-t-il souligné.

D'après M. Bonin, il s'agit d'une autre stratégie mise de l'avant par la pétrolière pour faire «avaler à petites bouchées» un projet auquel plusieurs communautés et organismes s'opposent.

Enbridge croit pouvoir procéder à l'inversion d'ici la fin du mois de juin puisque l'ONÉ, qui avait suspendu le projet, a récemment estimé que l'entreprise avait répondu à ses questions de façon satisfaisante entourant deux des 30 conditions émises à l'endroit du projet.

Dans une lettre datée du 13 février dernier, l'organisme fédéral confirme avoir reçu une demande formelle de la part d'Enbridge quant à l'inversion du flux de la canalisation.

La Communauté métropolitaine de Montréal - qui regroupe 82 villes et représente 3,8 millions d'habitants - estime de son côté que certaines réponses fournies par l'entreprise demeurent «incomplètes».

L'organisme est surtout préoccupé par le franchissement des cours d'eau de l'oléoduc ainsi que les mesures d'urgence en cas de déversement.

Exploité depuis près de 40 ans, le tronçon de 639 kilomètres avait à l'origine transporté du pétrole de Sarnia, en Ontario, vers Montréal, avant d'être inversé à la fin des années 1990 pour répondre à la demande du marché.