Aux Mines Seleine, aux Îles-de-la-Madeleine, on suit avec grand intérêt la météo de l'est du Canada et des États-Unis.

«On comprend que les gens n'aiment pas pelleter, mais les tempêtes de neige, c'est vraiment bon pour nous», lance Jean-Pierre Poirier, président du syndicat du seul producteur de sel québécois.

L'hiver de l'an dernier a été le plus froid en 20 ans au Québec et le plus neigeux depuis 1979 aux États-Unis. Le scénario s'annonce semblable cette année. La semaine dernière, l'imposante tempête qui a balayé la région de Boston et une bonne partie du Nord-Est américain a entraîné une mobilisation exceptionnelle des autorités.

Résultat: la demande pour le sel de déglaçage a bondi. La hausse est d'autant plus marquée que plusieurs hivers doux s'étaient succédé avant 2013-2014, ce qui avait poussé plusieurs administrations publiques à réduire considérablement leurs achats de sel. Cette année, la demande atteint des records alors que plusieurs réserves sont à sec.

Expéditions prolongées

Aux Îles-de-la-Madeleine, les expéditions de sel, qui prennent habituellement fin à la mi-janvier, se poursuivront jusqu'en février. Et aucun des quelque 160 travailleurs ne devrait être mis à pied cette année, précise M. Poirier. En 2013, les Mines Seleine et d'autres producteurs nord-américains avaient dû réduire temporairement leur main-d'oeuvre en raison de la faiblesse du marché.

Chez le géant Cargill, l'un des trois principaux producteurs de sel en Amérique du Nord, le personnel de ses trois mines des États-Unis travaille les week-ends depuis l'été pour répondre à la demande accrue, indique un porte-parole, Mark Klein. Fait rare, le conglomérat a aussi importé du sel du Chili pour approvisionner ses clients américains.

Il a été impossible de joindre la direction des Mines Seleine la semaine dernière. Mais selon le président du syndicat, l'entreprise pourrait vendre 1,6 million de tonnes de sel cette année en puisant dans ses réserves. La production annuelle est d'environ 1,4 million de tonnes.

Ventes et profits en hausse

Évidemment, toute cette frénésie est payante pour les producteurs de sel. Selon K+S, la société allemande à qui appartient la marque Windsor et les Mines Seleine, les ventes de sel de déglaçage ont augmenté de 22% (en volume) au cours des 9 premiers mois de 2014. Le bénéfice d'exploitation de la division du sel (qui comprend aussi le sel de table) a bondi de 68%. La forte demande en Amérique du Nord a toutefois été contrebalancée par un marché au ralenti en Europe en raison du temps relativement clément là-bas.

Chez Compass Minerals, propriétaire du producteur canadien Sifto, on a vendu l'hiver dernier 8,8 millions de tonnes de sel de déglaçage, soit 15% de plus que la moyenne des 10 années antérieures. Le bénéfice d'exploitation de la division du sel a explosé de 76%.

Et ce n'est pas fini: tant K+S que Compass prévoient que les résultats de leur division du sel seront encore meilleurs cette année.

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MINES SELEINE EN CINQ DATES

1972

La Société québécoise d'exploration minière (SOQUEM) découvre un important gisement de sel.

1982

La mine de sel est inaugurée après des investissements de plus de 125 millions.

1988

L'entreprise est vendue à la Société canadienne de sel (Windsor) pour 35 millions.

1995

Des infiltrations d'eau forcent la fermeture de la mine de sel jusqu'en 1997.

2009

La société mère de la Société canadienne de sel, l'américaine Morton Salt, passe aux mains du groupe allemand K+S.

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L'OLIGOPOLE DU SEL

K+S (Allemagne)

Ventes de sel de déglaçage en 2013: 13,8 millions de tonnes

Installations: plus de 30 mines, usines d'évaporation et salines dans plusieurs marchés, dont les États-Unis, le Canada, l'Europe, les Bahamas, le Chili et le Brésil

Compass Minerals (États-Unis)

Ventes de sel de déglaçage en 2013: 9,9 millions de tonnes

Installations: huit mines, usines d'évaporation et salines aux États-Unis et au Canada

Cargill (États-Unis)

Ventes de sel de déglaçage en 2013: non divulguées

Installations: 15 mines, usines d'évaporation et salines aux États-Unis; au Canada, l'entreprise s'approvisionne en sel de déglaçage auprès d'une mine de potasse du Nouveau-Brunswick.