La décision de Cliffs Natural Resources d'abandonner la mine de fer du lac Bloom, près de Fermont, pourrait coûter cher au gouvernement du Québec.

Plus tôt cette semaine, l'entreprise de Cleveland a placé ses filiales canadiennes sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Ces entités, qui exploitaient la mine du lac Bloom et un chemin de fer connexe, n'ont jamais été rentables depuis leur acquisition par Cliffs, en 2011.

Dans des documents déposés en Cour supérieure, Cliffs précise qu'en vertu du plan de fermeture de la mine, approuvé en novembre par le ministère des Ressources naturelles, l'entreprise s'est engagée à fournir une garantie financière totalisant 41,7 millions de dollars pour la restauration des lieux. La première moitié est exigible le 27 février et le reste, d'ici la fin de novembre 2016.

Or, les filiales canadiennes de Cliffs «n'ont pas l'intention de fournir les garanties financières» pendant le processus de restructuration judiciaire, peut-on lire dans les documents.

Au cabinet du ministre délégué aux Mines, Luc Blanchette, on a pourtant assuré hier que Cliffs «respecte ses obligations en application de la Loi sur les mines, notamment en matière de garantie financière».

Rappelons que depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les mines, en décembre 2013, les entreprises doivent désormais faire approuver leurs plans de restauration avant le début de toute exploitation.

Le mois dernier, le ministre du Développement économique, Jacques Daoust, a demandé à Investissement Québec d'aider Cliffs à trouver un repreneur pour la mine du lac Bloom. Des négociations ont eu lieu avec un «certain nombre d'acheteurs potentiels», y compris des exploitants miniers, mais aucune entente n'a pu être conclue, indique l'entreprise.

Les membres du gouvernement espèrent qu'une éventuelle remontée des cours du fer permettra la réouverture de la mine. Les prix sont passés de 190$US la tonne en 2011 à environ 70$US la tonne. Le ralentissement économique en Chine, premier acheteur mondial de fer, rend toutefois peu probable une hausse de la demande à court terme.

De multiples problèmes

La chute des prix du fer est la principale raison expliquant l'insolvabilité de la mine du lac Bloom, mais elle n'est pas la seule. Cliffs met aussi en cause les dépenses d'exploitation élevées ainsi que d'«importants coûts imprévus» pour le traitement des résidus miniers et de l'eau. Notons qu'en décembre, la Cour du Québec a condamné l'entreprise à verser 7,5 millions à Ottawa pour une série d'infractions environnementales.

Cliffs avait déboursé pas moins de 5 milliards US en 2011 pour mettre la main sur Consolidated Thompson, propriétaire de la mine du lac Bloom. L'entreprise a par la suite injecté 1,6 milliard US dans la phase II de la mine pour en accroître significativement la capacité, dans l'espoir de la rentabiliser. Mais pour compléter le projet, il fallait encore investir 1,2 milliard US, une somme que Cliffs a été incapable de trouver malgré plusieurs démarches effectuées l'an dernier.

Il faut dire que le partenaire chinois de l'entreprise, Wisco, qui détenait 25% de la mine du lac Bloom en 2011, semble s'être désintéressé du gisement québécois il y a un an et demi. Selon Cliffs, Wisco devait injecter 126,8 millions US dans la mine en juillet 2013, mais a omis de le faire. Pour dénouer l'impasse, Cliffs a déboursé les fonds et a ramené à 17,2% la participation de Wisco dans la mine.

Le passif de la mine du lac Bloom s'élève à près de 6,5 milliards, alors que la valeur de ses actifs s'établit à tout juste 1,3 milliard. La mine doit notamment 1,2 milliard US à ses prêteurs et 183,9 millions US à ses créanciers. Des hypothèques légales totalisant 54 millions ont été prises par des entreprises du domaine de la construction.

Qui plus est, la Cour internationale d'arbitrage vient de condamner la mine à verser 71 millions US, plus intérêts et frais, à un ancien client, la firme chinoise Worldlink Resources.

Les déboires de Cliffs portent un coup particulièrement dur aux entreprises de la Côte-Nord et d'ailleurs au Québec à qui le groupe américain devait de l'argent. Dans certains cas, les sommes se comptent par millions. Fermont est aussi durement touché: selon le maire Martin St-Laurent, Cliffs payait des impôts fonciers de 4,9 millions, alors que le budget de la municipalité se chiffre à 14,3 millions.

Avec la fermeture de la mine, en décembre, le nombre de salariés a fondu, passant de 567 à 112. Ceux qui restent assurent le maintien des actifs. Cliffs a procédé à sa dernière livraison de minerai à partir du port de Sept-Îles le 15 janvier.

- Avec Tommy Chouinard et Le Soleil