Produits forestiers Résolu (T.RFP) ferme son usine d'Iroquois Falls, en Ontario, et deux machines à papier au Québec, soit une située à son usine de Baie-Comeau sur la Côte-Nord et une autre dans celle de Clermont, dans Charlevoix, ce qui se traduira par la perte de 300 emplois, dont 120 au Québec.

Dans un communiqué diffusé vendredi matin, la compagnie forestière jette d'abord le blâme sur l'effondrement du marché du papier journal, mais en entrevue avec La Presse Canadienne, un porte-parole de la direction a précisé que ces fermetures étaient en grande partie imputables au nouveau régime forestier du Québec.

Selon le directeur principal aux affaires publiques et aux relations gouvernementales, Karl Blackburn, ces fermetures permanentes auraient pu être évitées si le régime forestier était mieux adapté aux conditions de marché.

«Dans un contexte où il y a une réduction de marché, nous sommes capables de maintenir les opérations pour être compétitifs sur ces marchés, a-t-il soutenu. Par contre, là où nous avons de la difficulté à pouvoir maintenir l'avantage concurrentiel, c'est sur l'augmentation du coût de la fibre et les difficultés d'approvisionnement de cette fibre.»

Or les problèmes de coût et d'approvisionnement sont directement imputables au gouvernement du Québec, selon lui.

«C'est le gouvernement qui est responsable de la planification et de l'harmonisation des territoires sur lesquels on a accès et, en quelque sorte, c'est bien sûr le gouvernement qui détermine les coûts de la fibre», a précisé le porte-parole.

«Les bureaux de mise aux enchères, qui sont censés refléter la valeur réelle du bois, ont malheureusement un prix plancher et il y a des secteurs, par exemple, où il n'y a pas de preneur pour des blocs importants de bois. (...) L'impact est donc toujours à la hausse sur les coûts de la fibre.»

M. Blackburn a ajouté que l'augmentation des coûts d'électricité au Québec a également été un facteur dans la décision de cesser les activités à ces deux machines.

À Québec, le ministre des Forêts, Laurent Lessard, a d'abord invoqué la baisse de la demande mondiale, une réalité sur laquelle personne n'a d'emprise réelle.

«En vous levant ce matin, vous avez regardé sur votre tablette probablement ou votre téléphone cellulaire avant d'aller chercher le journal au magasin. Ça démontre aussi cette tendance-là, qui est de fond et va le demeurer», a-t-il dit.

Mais le ministre a tout de même promis un soutien gouvernemental non seulement aux employés touchés, mais aussi à l'entreprise, si celle-ci décidait de viser d'autres marchés que le papier journal.

«On pense que le Québec doit être encore une destination pour les investissements et, nécessairement, ces machines-là sont convertissables, donc on va les accompagner et les supporter dans ça», a-t-il précisé.

Cette hypothèse, qui représente des investissements majeurs, n'est toutefois pas dans les cartons, selon M. Blackburn, qui rejette encore une fois le blâme sur le régime forestier.

«Si nous ne sommes pas capables de savoir combien de fibre est disponible dans les prochaines années sur les territoires où nous avons des opérations et à quel prix elle le sera, ça devient difficile pour une entreprise d'investir des centaines de millions de dollars pour moderniser ou transformer ou diversifier ses activités», a-t-il dit.

Quant à une éventuelle relance des machines pour la production de papier journal, M. Blackburn n'a pas complètement fermé la porte mais n'a laissé guère d'espoir non plus.

«Dépendamment des besoins par la suite, il y aurait certainement des décisions qui pourraient être prises en ce sens, mais comme nous l'avons clairement annoncé, l'arrêt de ces deux machines dans ces deux usines est permanent et pour nous, il n'y aura pas de redémarrage prévisible de ces deux machines», a-t-il dit.

Or, la demande de papier journal ne donne aucun signe de reprise, au contraire. Celle-ci a reculé de 69 % à l'échelle mondiale depuis 2000 et le recul tend à s'accélérer. Les dernières données font état d'un recul de 8,3 % entre 2013 et 2014 en Amérique du Nord seulement.

Par ailleurs, dans le communiqué de presse, le président et chef de la direction de Résolu, Richard Garneau, s'est livré à une charge contre les groupes environnementaux, les accusant d'avoir mené des «attaques sans fondement» et d'avoir mené des «campagnes trompeuses et truffées d'erreurs, qui dénaturent les pratiques d'aménagement forestier de la société».

La réaction de Greenpeace, l'une des organisations les plus critiques de l'entreprise, ne s'est pas fait attendre.

«Plutôt que de pointer du doigt les groupes environnementaux, Résolu et son PDG Richard Garneau n'ont qu'eux-mêmes à blâmer», a indiqué le directeur québécois de Greenpeace, Nicolas Mainville.

Selon lui, «la faible compétitivité du géant forestier est une conséquence directe de son échec à mettre en place des mesures concrètes pour assurer une gestion durable de nos forêts et, surtout, de garder ses certificats environnementaux FSC qui sont prisés par les grands acheteurs de bois et de papier».

Il estime que les efforts ne doivent pas venir du gouvernement, mais bien de la compagnie forestière.

«On observe une réticence et une résistance des grandes multinationales à perdre le contrôle sur le terrain. On voit ce refus des grands joueurs comme Résolu de s'adapter aux pressions du public, aux pressions du marché, aux nécessités environnementales et aux changements d'approche», a-t-il déclaré.

À l'usine de Baie-Comeau, qui compte trois machines à papier, la machine numéro 1 était déjà arrêtée pour une durée indéterminée. Cet arrêt devient permanent. Cependant, la machine numéro 2, qui devait interrompre sa production le 12 décembre, demeurera en opération et la machine numéro 3, qui poursuivait ses activités normalement, ne subira aucun effet, de sorte qu'il restera environ 130 emplois dans cette usine.

À Clermont, où l'on compte deux machines, celle qui devait fermer pour trois semaines à compter du 15 décembre demeurera en activité jusqu'au 30 janvier, date de sa mise hors service définitive. L'autre machine poursuivra ses activités et l'usine comptera, elle aussi, environ 130 employés.

Résolu promet d'agir afin de soutenir les employés touchés, de respecter les conventions collectives et de chercher à utiliser la voie des retraites et des réaffectations pour minimiser le nombre d'employés touchés.