Il n'y a pas que le premier ministre Philippe Couillard qui croit que le Plan Nord représente un pilier du développement économique du Québec malgré la baisse du prix des métaux: son prédécesseur, Jean Charest, est également du même avis.

En s'adressant aux journalistes au forum Objectif Nord, mardi, à Montréal, l'ex-premier ministre a qualifié le Plan Nord de «carte d'affaires» de la province à l'étranger et affirmé qu'en dépit du contexte actuel, il y a des occasions.

«Il faut faire attention de ne pas se faire prendre dans un scénario où l'on se construit un puits quand on a soif, a imagé M. Charest. Il faut avoir suffisamment de vision pour développer nos ressources sur le long terme.»

Au cours d'une courte mêlée de presse, M. Charest a rappelé que la première mouture du Plan Nord, mise de l'avant en 2011, prévoyait une fluctuation des prix des ressources minières.

«Il y aura des cycles, a rappelé M. Charest. Là, nous sommes dans un cycle baissier des ressources. On le savait au moment de la conception du Plan Nord.»

M. Charest y est allé de ces commentaires après l'allocution de M. Couillard, qui a rappelé, devant un parterre de gens d'affaires, que le Québec devait profiter du contexte actuel pour être prêt lorsque la reprise pointera dans le secteur minier.

Les prix de plusieurs métaux, comme le minerai de fer et l'or, ont atteint un creux en cinq ans, notamment en raison d'une baisse de la demande dans certains pays émergents.

De plus, il y a quelques années que la croissance économique chinoise ne dépasse plus la barre de 10 %, et plusieurs indicateurs économiques pointent vers un ralentissement de la demande en provenance de ce pays.

Le premier ministre Couillard a néanmoins tenté de se montrer rassurant, affirmant qu'il était «indispensable» de relancer le Plan Nord ainsi que les investissements, et ce, en dépit du contexte «baissier», un message qu'il a répété plus tard en conférence de presse.

«Ce n'est pas au moment où le cycle est à la baisse qu'il faut cesser de développer nos infrastructures, a-t-il rappelé. Sinon, nous serons dépassés par nos concurrents.»

Questionné sur l'ampleur des montants investis alors que son gouvernement procède actuellement à d'importantes compressions au sein de l'appareil public, M. Couillard a estimé que le jeu en valait la chandelle.

«Il y a toujours des risques dans des projets industriels, a-t-il dit. Mais il y a une certitude: les gens auront toujours besoin de minerai. Un cycle est un cycle. Un jour il est plus bas, un jour il est plus haut.»

Le premier ministre croit qu'il sera possible de stimuler l'intérêt du secteur privé en investissant dans les infrastructures, comme le développement des routes dans le Nord-du-Québec, ainsi que la négociation de tarifs préférentiels hydroélectriques.

M. Couillard a évoqué l'exemple du partenariat entre le Québec et la minière Stornoway dans le dossier du prolongement de la route 167 jusqu'au site où la société exploite un gisement de diamants, qui a coûté près de 300 millions $ à l'État québécois.

«Il faut faire des efforts de redressement, mais en même temps, il faut lancer un message», a-t-il souligné.

Dans son discours, M. Couillard a également écorché le Parti québécois en affirmant que le gouvernement précédent avait lancé un message négatif en abandonnant la Société du Plan Nord, qui sera prochainement relancée.

Par ailleurs, le ministre de l'Énergie et responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, a déposé le projet de loi 11 qui institue la Société du Plan Nord, mardi après-midi, à l'Assemblée nationale.

À quelques exceptions près, ce projet législatif est le même que celui déposé en 2011 sous le gouvernement de Jean Charest, un projet de loi mort au feuilleton après le déclenchement des élections.

Une cinquantaine d'employés seront attachés à la nouvelle société d'État dédiée spécifiquement au développement du territoire au nord du 49e parallèle, a indiqué le ministre en point de presse.

Dès cette année, le Fonds du Plan Nord sera de quelque 63 millions de dollars. D'ici 2035, son enveloppe devrait atteindre quelque 2 milliards.

Le Plan Nord avait été lancé en 2011 par le premier ministre de l'époque, M. Charest, qui espérait en faire un élément central de son héritage politique. Le gouvernement estimait alors que le Plan Nord allait engendrer des retombées de 80 milliards de dollars en investissements publics et privés sur une période de 25 ans, en plus de créer 20 000 emplois.

En conférence de presse, M. Couillard n'a toutefois pas voulu indiquer s'il gardait le cap sur ces objectifs, en expliquant que sa vision du Plan Nord s'étalait sur 20 ans et qu'il ne voulait pas prendre le risque de faire des prévisions à aussi long terme.

Couillard défend une étude de faisabilité pour un lien ferroviaire

Philippe Couillard a par ailleurs défendu, mardi, la décision de son gouvernement d'injecter jusqu'à 20 millions de dollars dans une étude de faisabilité sur un nouveau lien ferroviaire visant à faciliter l'accès à la fosse du Labrador.Certains analystes craignent que le recul du prix du minerai de fer, qui a atteint son creux des cinq dernières années, ne retarde le développement de la fosse du Labrador, où se trouvent les plus importantes réserves entre le Québec et Labrador.

«Ça serait une grave erreur de ne rien faire en attendant que le prix des métaux remonte, a affirmé M. Couillard, mardi, en marge du forum Objectif Nord, à Montréal. Il serait trop tard. Nous serions dépassés par des concurrents.»

L'affaiblissement de la demande, provoqué par le ralentissement de la croissance économique en Chine ainsi qu'une hausse des réserves en Australie, a notamment fait chuter le prix de la tonne à 78 $ US cette semaine, soit son plus faible niveau depuis septembre 2009.

L'analyste Jackie Przybylowski, de Valeurs mobilières Desjardins, croit que la tonne de minerait pourrait se transiger aux alentours de 100 $ US d'ici le milieu de l'hiver, mais elle demeure prudente.

«Nous nous attendons à une remontée des prix au cours de l'hiver (mais) ça ne sera pas à des sommets», indique-t-elle.

Selon la mesure proposée dans le dernier budget du ministre des Finances Carlos Leitao, l'étude de faisabilité se penche sur la construction d'un nouveau lien ferroviaire entre le port de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, et la fosse du Labrador.

Conscient du contexte minier actuel, M. Couillard refuse néanmoins de demeurer les bras croisés, puisque selon lui, des entreprises ont déjà démontré de l'intérêt à l'endroit du projet.

«Les entreprises qui nous parlent ont toutes cela dans leurs cartons, la fluctuation (des prix), et disent être intéressées même dans l'ambiance actuelle, a-t-il dit. On a besoin d'un signal clair du Québec en ce qui a trait au lien ferroviaire.»

En début de journée, à l'occasion d'une allocution, le ministre de l'Énergie et responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, a confirmé que l'étude de faisabilité «avançait rapidement», laissant entendre qu'elle pourrait être complétée dans environ un an.

«Des travaux géotechniques et d'arpentage sont déjà en cours au moment où on se parle et notre gouvernement a déjà des ententes avec différents partenaires privés pour bonifier l'étude», a-t-il dit.

M. Arcand a rappelé qu'il existait actuellement deux liens ferroviaires dans la région de la fosse du Labrador, mais qu'ils appartenaient à des sociétés privées, ce qui force certaines entreprises minières à débourser d'importantes sommes en frais de transport.

Le lien ferroviaire à l'étude vise justement à réduire les dépenses de transport des sociétés intéressées à s'établir dans le secteur de la fosse du Labrador.

«Le 20 juillet, nous avons envoyé des lettres à différentes minières, a souligné M. Arcand. Il y a de l'intérêt. À partir du moment où nous avons une ou deux (minières), il y a un effet d'entraînement.»

D'après ce qu'a laissé entendre M. Arcand, la gestion du nouveau lien ferroviaire - s'il devait voir le jour - se ferait par le biais d'une société en commandite, pour assurer «qu'il n'y ait pas une minière qui prenne le contrôle du lien par rapport à une autre».

Plusieurs entreprises ont des activités dans la fosse du Labrador, dont Rio Tinto, Arcelor Mittal, New Millenium Iron [[|ticker sym='T.NML'|]], Adriana Resources et Champion Iron Mines.

En juillet dernier, Labrador Iron Mines Holdings [[|ticker sym='T.LIM'|]] a décidé d'interrompre ses activités pour l'année à ses installations où travaillaient jusqu'à 370 personnes l'an dernier.

L'exploitation minière s'est amorcée en 1954 dans la fosse du Labrador, qui s'étend sur 1600 kilomètres.