Une fois en exploitation, la cimenterie de Port-Daniel-Gascons aura beau cracher dans l'atmosphère plus de 2 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) annuellement, son impact sur le prix des crédits de carbone sera négligeable, soutient le ministère québécois de l'Environnement.

La controverse bat son plein autour de cette implantation industrielle de 1 milliard, financée en grande partie par des entités du gouvernement provincial. Cette semaine, les opposants au projet ont laissé entendre que les industriels québécois devraient payer plus cher pour avoir le droit d'émettre des GES à cause de la cimenterie de Port-Daniel.

Jeudi, dans un article du Soleil, le ministre de l'Environnement, David Heurtel, a averti «que les autres joueurs devraient réagir» à l'entrée en fonction de Ciment McInnis, en 2016. Il a ajouté qu'il n'est pas question de hausser le plafond des émissions permises pour tenir compte de la nouvelle cimenterie qui, avec des émissions de 1,75 à 2 millions de tonnes par année, deviendra le plus grand émetteur industriel de GES du Québec.

Calmer le jeu

Appelé à clarifier la situation, le ministère de l'Environnement a cherché à calmer le jeu, hier.

«L'impact d'un projet industriel de l'envergure de la cimenterie de Port-Daniel sur le prix des unités d'émission serait toutefois négligeable dans le marché lié du Québec et de la Californie», écrit, dans un courriel, Geneviève Lebel, coordonnatrice aux relations avec les médias.

«En 2015, le plafond d'unités d'émission de GES global Québec-Californie sera de 459,8 millions d'unités d'émission. En termes de pourcentage, les émissions de la cimenterie de Port-Daniel représenteraient moins d'un demi pour cent des unités mises en circulation», poursuit Mme Lebel.

Depuis le 1er janvier 2013, les grands industriels, dont les cimenteries, sont assujettis au marché du carbone réglementaire en vigueur au Québec et en Californie.

En bref, pour avoir le droit d'émettre des GES, les entreprises visées doivent se procurer des permis de polluer, ce qu'on appelle des unités d'émission. L'État fixe un plafond pour l'émission annuelle de GES jusqu'en 2020. Au Québec, l'objectif est de réduire les émissions de GES en 2020 de 20% par rapport au taux de 1990.

«L'objectif ultime est de mettre un coût au carbone pour pousser les gens à changer leurs habitudes», explique Mustapha Ouyed, ingénieur et directeur de projets changements climatiques chez Golder Associés.

L'ajout d'un pollueur ne pénalise personne

La plupart des industriels visés par le règlement reçoivent toutefois des gratuités qui couvrent la majorité de leurs besoins. C'est le cas des cimenteries, et ce sera également le cas de Ciment McInnis.

Ces gratuités existent pour que les industriels demeurent concurrentiels à l'échelle internationale. Ces allocations gratuites, qui diminuent d'année en année tout en restant significatives même en 2020, sont acquises aux entreprises.

«Les participants ne sont pas pénalisés avec l'arrivée d'un nouvel acteur, assure Jean-Yves Benoît, directeur du marché du carbone au ministère de l'Environnement. Ça ne touche pas du tout l'allocation gratuite qu'auront les autres entreprises, peu importe le secteur d'activité. Tout le monde a aussi l'occasion d'augmenter sa production.»

Pour combler la partie des émissions de GES non couverte par des gratuités, l'État québécois met aux enchères quatre fois l'an des unités d'émission.

Jusqu'ici, trois enchères ont eu lieu. Les prochaines se tiendront le 26 août. Le prix plancher a été fixé à 11,39$ l'unité. L'unité correspond grosso modo à une tonne de GES.

«Pour l'instant, le marché du carbone fonctionne très bien», soutient Bertrand Fouss, directeur, carbone climat, à Écoressources, une entreprise de services-conseils en économie des ressources naturelles, spécialisée en changements climatiques, notamment.

Le prix des unités d'émission de GES est fixé en fonction de l'offre et de la demande. Théoriquement, si plus de pollueurs cherchent à couvrir leurs émissions en achetant un nombre toujours plus restreint d'unités, cela se traduira par une tendance à la hausse du prix du permis de polluer. Mais les experts ne s'attendent pas à une flambée des prix. «La plupart des analystes qu'on consulte nous disent qu'on va rester au prix plancher assez longtemps», indique M. Fouss.

Le fruit de la vente des unités d'émission est versé dans le Fonds vert du gouvernement du Québec, lequel finance des projets visant l'adaptation aux changements climatiques et la réduction des émissions de GES. Québec a récolté environ 82 millions avec les enchères des unités d'émission. Il est prévu que le Fonds vert reçoive environ 3 milliards en cinq ans.