Les contribuables québécois perdront leur mise dans les hydroliennes, mais ils l'ont quand même échappé belle. Investissement Québec (IQ), bras investisseur du gouvernement du Québec, avait offert 4 millions de dollars pour racheter 90% de RER Hydro, lourdement endettée, six jours avant le dernier scrutin provincial.

Cette offre n'a pas eu de suite, selon ce qu'a appris La Presse Affaires. L'information au sujet de l'offre d'achat est tirée de la requête en injonction provisoire déposée le 22 mai par le PDG de RER Hydro, Imad Hamad, visant à destituer Georges P. Dick de son poste de président du conseil d'administration du fabricant d'hydroliennes de Bécancour.

Selon les dires de M. Hamad, IQ rendait son offre d'achat conditionnelle à son départ de RER Hydro.

«Autre fait préoccupant, cette offre [de IQ] prévoit que l'emploi du produit de l'émission serait consacré au remboursement d'une créance de 3 800 000$ de Gestion RER plutôt que de financer le fonds de roulement de RER qui manque cruellement de fonds», lit-on dans la requête au sujet de l'offre de IQ.

En novembre 2013, RER Hydro avait des dettes de près de 28 millions et un déficit de 23 millions, alors que ses actifs se limitent à des prototypes et à des équipements.

La requête n'a pas encore eu de suite. Ni M. Hamad ni M. Dick n'ont rappelé La Presse.

Chez RER Hydro, le porte-parole Claude-Éric Gagné a répondu hier après-midi que M. Dick est toujours le président du conseil d'administration de l'entreprise. «Les 30 employés de RER Hydro continuent leurs activités à Montréal et on est toujours en discussion avec des investisseurs potentiels», a-t-il répondu à nos questions sur la précarité financière de l'entreprise.

Un dossier «très politique»

«[Dans la requête de M. Hamad, l'information] est pas mal tout dedans, a dit, de son côté, Chantal Corbeil, porte-parole d'Investissement Québec, tout en refusant d'expliquer les raisons qui ont mené à cette offre d'achat surprise. On ne confirmera rien parce qu'on est en discussions avec l'entreprise présentement», a-t-elle ajouté, en insistant sur le fait que le dossier RER Hydro «est très politique».

IQ a avancé 4,9 millions à RER en mai 2013 et 4,5 millions en 2014, en quatre versements. «Il n'y a plus de déboursements, parce que la condition pour continuer les discussions, c'est [que RER] trouve des investisseurs privés avant la date butoir, le 30 mars 2014», indique Mme Corbeil. D'après la requête de M. Hamad, RER attendait encore 2,9 millions de la part de IQ en mai, paiement qui n'a pas été fait.

Au sujet de l'investisseur privé, M. Hamad fait état d'une lettre d'intention signée le 22 avril par un membre de la famille royale saoudienne prêt à «investir les sommes nécessaires à l'achat des actions de RER».

Pour ce qui est de Georges Dick, qui est aussi président de la firme de génie RSW, rachetée en 2010 par l'américaine Aecom, son nom a été mentionné dans un reportage de Radio-Canada portant sur un cas de corruption en Algérie.

M. Hamad écrit dans sa requête qu'après en avoir discuté avec Éloïse Harvey, administratrice d'Investissement Québec, «IQ [n'est] pas confortable avec l'éclaboussure et l'implication continue de Dick». Mme Corbeil n'a pas voulu commenter.

Face à la tournure rocambolesque du dossier, le député caquiste de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, exhorte dans un communiqué le ministre de l'Économie (et ancien patron d'Investissement Québec), Jacques Daoust, de tirer les choses au clair sans délai.

Dossier «politique», des millions d'argent public injectés dans une entreprise surendettée, prince saoudien providentiel, affaire de corruption en Afrique, requête en destitution à l'égard du président, la société RER Hydro, issue de RSW, nécessite effectivement un suivi serré.