Greenpeace estime que Produits forestiers Résolu (T.RFP) doit revoir ses pratiques environnementales et cesser de réagir aux critiques en déposant ce que l'organisation qualifie de «poursuites-bâillons».

Pour faire valoir leur argument, quelques militants de Greenpeace ont hissé sur un échafaudage hydraulique un arbre composé de morceaux contenant les signatures de 60 000 citoyens, devant les bureaux du siège social de l'entreprise, à Montréal.

«C'est vraiment un symbole de la mobilisation citoyenne pour la défense de notre forêt publique. Aujourd'hui, on donne une voix à ces citoyens pour interpeller directement le pdg», a expliqué le directeur de Greenpeace Québec, Nicolas Mainville.

La manoeuvre de jeudi matin visait notamment à attirer l'attention sur les actions récentes de la compagnie forestière, qui a déposé au début du mois de mai une poursuite contre l'auditeur indépendant qu'elle avait embauché pour vérifier le respect de la norme FSC (Forest Stewardship Council).

La poursuite de 400 000 $ a été déposée à la Cour supérieure de l'Ontario.

L'action judiciaire vise non seulement l'auditeur, Rainforest Alliance, mais également deux personnes physiques: l'auditrice Christine Korol et le biologiste de la faune Chris Wedeles.

L'entreprise forestière les accuse d'avoir contrevenu aux termes de leur contrat en produisant un rapport jugé biaisé.

«Résolu a appris que M. Wedeles est un supporter de Greenpeace Canada (...) qui prend part à la campagne actuelle de Greenpeace Canada visant spécifiquement les activités de Résolu dans la forêt boréale (...), ce qui le place en conflit d'intérêts», peut-on lire dans la poursuite intentée par l'entreprise.

Selon M. Mainville, la compagnie agit de façon «très cavalière» en ayant recours aux tribunaux pour faire taire les critiques. Il a rappelé que son organisation fait l'objet d'une poursuite en diffamation de 7 millions $.

La compagnie forestière a aussi déposé cette action judiciaire du côté de l'Ontario.

«Greenpeace remarque qu'au Québec, où se situe le siège social de Résolu et la majorité de leurs opérations, la loi contre les poursuites-bâillons de 2009 aurait probablement prévenu le succès d'une telle poursuite. Or, Résolu a déposé sa poursuite à la Cour supérieure de l'Ontario», a plaidé le groupe en juin 2013.

Le directeur principal des affaires publiques de Produits forestiers Résolu, Karl Blackburn, s'inscrit en faux: ces deux poursuites ne sont pas abusives, et elles ont comme seul objectif de «défendre les travailleurs» et l'entreprise.

«Ça n'a rien à voir avec des poursuites-bâillons», a-t-il tranché en entrevue téléphonique jeudi soir.

Dans le premier cas, a-t-il plaidé, «c'est quand même assez particulier qu'une personne censément indépendante (Chris Wedeles) ait un parti pris pour une organisation qui est en guerre ouverte contre nous».

En ce qui a trait à la poursuite en diffamation contre Greenpeace, elle est justifiée, car des militants de l'organisation ont proféré des «faussetés» lors de la dernière assemblée des actionnaires de l'entreprise, à Thunder Bay, en Ontario, a déclaré M. Blackburn.

«Leurs démarches ont des impacts directs sur nos affaires. Certains clients vont voir ailleurs», a-t-il déploré.

Il reste que selon Greenpeace, l'heure est désormais au dialogue.

«Nous, ce qu'on dit à Résolu, c'est que les solutions existent. Ils doivent écouter les partenaires qui sont autour d'eux et surtout essayer de travailler dans le sens de la collaboration et non pas de la confrontation», a fait valoir Nicolas Mainville.

Mais de son côté, la compagnie forestière argue qu'il est impossible d'avoir une discussion constructive avec Greenpeace.

«Il n'y a pas moyen d'échanger avec eux depuis qu'ils se sont retirés de l'Entente sur la forêt boréale en 2010», a lancé M. Blackburn.

L'action menée jeudi matin par Greenpeace s'inscrit dans le cadre de la campagne «Défendons la forêt», qui a été lancée en début d'année.

En mars, 10 militants avaient escaladé la croix du mont Royal pour la transformer en «balance de la justice», voulant illustrer ce que Greenpeace décrit comme une «disparité» entre les pratiques de Produits forestiers Résolu et la protection des forêts publiques.