Un fleuron industriel français bientôt sous pavillon américain? Alstom (ALSMY), qui connaît actuellement des difficultés, intéresse son concurrent General Electric (GE), qui aurait proposé plus de 13 milliards d'euros, même si le constructeur français de TGV assure «ne pas être informé» d'une offre de rachat.

Selon l'agence de presse Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, un rachat d'Alstom, connu du grand public pour ses TGV, mais qui est aussi notamment présent dans les équipements de centrales électriques, pourrait être annoncé «dès la semaine prochaine» pour un montant avoisinant 13 milliards de dollars.

Le groupe français dirigé par Patrick Kron s'est contenté d'affirmer qu'il n'était pas informé d'une offre de GE.

«En réponse à certaines spéculations récemment relayées dans la presse économique, Alstom fait savoir qu'il n'est informé d'aucun projet d'offre publique visant son capital», a fait savoir l'industriel français dans un communiqué.

Or, selon Le Figaro, GE ne s'intéresserait en réalité qu'aux actifs liés à l'énergie, soit environ 70% de l'activité, et délaisserait le transport ferroviaire. Toujours selon le journal, une offre boursière n'est pas prévue, mais juste une vente des actifs.

Alstom a renvoyé à la publication, le 7 mai, de ses résultats annuels et d'«un point sur les perspectives de ses différentes activités».

Quant à Bouygues, le principal actionnaire d'Alstom avec environ 29% du capital et qui selon Bloomberg soutiendrait l'opération, il n'a fait que renvoyer au même communiqué. GE n'a pas fait de commentaire de son côté.

Pas de quoi calmer les ardeurs boursières: peu après l'ouverture, le titre d'Alstom s'envolait de près de 17% à la Bourse de Paris et gagnait encore 10,93% à la clôture. Bouygues bénéficiait aussi des spéculations, terminant en hausse de 4,64%.

Le chiffre de 13 milliards de dollars avancé par Bloomberg correspondrait à une prime d'environ 23% par rapport au cours de clôture d'Alstom mercredi soir.

Qu'elle soit partielle ou totale, une telle acquisition donnerait naissance à un mastodonte industriel. General Electric, qui a entamé un recentrage sur l'industrie au détriment de sa branche financière GE Capital, est déjà une des plus grandes entreprises américaines et mondiales, avec un chiffre d'affaires de 146 milliards de dollars l'an passé et quelque 305 000 employés.

Alstom emploie lui 93 000 personnes dans le monde, dont 18 000 en France, et a réalisé sur l'exercice 2012-2013 un chiffre d'affaires de 20,3 milliards d'euros.

Besoin d'une «bénédiction de l'État français»

Pour Alstom, «cet accord aurait stratégiquement du sens, en consolidant le marché des centrales électriques, du rail et des lignes à haute tension face à d'une part une croissance mondiale plus faible et de l'autre une concurrence asiatique accrue sur ces marchés», soulignent jeudi les analystes de Barclays. Le groupe français est également peu présent en Amérique du Nord.

Quant à GE, «s'il est déjà le leader du marché dans les centrales électriques (turbines au gaz), il lui manque de la présence dans le ferroviaire et la transmission électrique», notent-ils. Il grossirait également sur des créneaux comme l'hydroélectricité ou le nucléaire où il est moins présent, remarque pour sa part Morgan Stanley.

L'opération dresserait aussi un énorme ensemble face à l'Allemand Siemens et aux autres acteurs du marché, comme l'Américain Honeywell ou le Suisso-Suédois ABB.

Financièrement, l'opération ne devrait pas poser pas de problème: GE pèse plus de 265 milliards de dollars en Bourse et croule sous les profits accumulés à l'étranger, qu'il ne rapatrie pas aux États-Unis pour des raisons fiscales.

Quant à Alstom, son cours de Bourse malmené ces derniers mois en fait une proie plutôt bon marché, à moins de 10 milliards d'euros.

Sauvé avec le soutien de l'État en 2004, Alstom a mené un redressement plutôt réussi depuis, mais rechute depuis un an en raison d'un coup de frein sur son marché principal des centrales électriques.

Dans une France traditionnellement frileuse à voir partir ses fleurons industriels, ardemment défendus par le ministre de l'Économie et du Redressement productif Arnaud Montebourg, cette opération recevra-t-elle le blanc-seing gouvernemental?

Le premier ministre Manuel Valls n'a pas souhaité commenter jeudi la «rumeur» du rachat d'Alstom par General Electric, mais a dit suivre «le dossier avec attention» et s'est déclaré «attentif aux emplois, aux technologies et au centre de décision».

«Alstom opère dans des secteurs stratégiques, donc tout accord nécessiterait une sorte de 'bénédiction' de l'État français», a souligné Morgan Stanley dans une note jeudi.

GE pourra faire valoir son importante implantation industrielle en France, où il compte 11 000 salariés et huit usines, dont une activité importante à Belfort dans les turbines à gaz, achetée ... à Alstom en 1999. Plus récemment, il a également mis la main sur Converteam, là aussi une ancienne filiale d'Alstom spécialisée dans la conversion électrique.