Osisko (T.OSK), qui fait l'objet d'une offre d'achat hostile du géant Goldcorp (T.G), a finalement trouvé son chevalier blanc. Avec l'aide de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC), l'entreprise torontoise Yamana Gold (T.YRI) propose d'acheter la moitié de la société aurifère québécoise pour 1,37 milliard.

Osisko a trouvé son chevalier blanc

Osisko [[|ticker sym='T.OSK'|]] s'est entendue avec trois partenaires pour contrer l'offre d'achat hostile déposée en janvier par le géant Goldcorp [[|ticker sym='T.G'|]]. Avec l'aide de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC), Yamana Gold [[|ticker sym='T.YRI'|]] propose d'acheter la moitié des actifs de la société aurifère québécoise pour 1,37 milliard de dollars.

Si la proposition est acceptée, les actionnaires d'Osisko recevront l'équivalent de 7,60$ par action (2,19$ en argent comptant, 2,06$ sous la forme d'une participation dans Yamana et 3,35$ sous la forme d'une action de la nouvelle Osisko, si tout se passe comme prévu).

C'est environ 10% de plus que le cours de clôture des actions d'Osisko mardi et 22% de plus que l'offre de Goldcorp, dont la valeur était de 6,21$ mardi (y compris 2,26$ au comptant). L'action d'Osisko a terminé la séance à 7,35$ hier à la Bourse de Toronto, ce qui indique que des investisseurs ont encore des doutes sur la transaction.

Dans le cadre de l'entente, la Caisse de dépôt et l'OIRPC injecteront 275 millions chacun dans Osisko. La Caisse investira dans un «contrat de fourniture d'or», alors que l'OIRPC bonifiera la marge de crédit d'Osisko. De plus, la Caisse et Investissement Québec convertiront en actions leurs débentures d'Osisko, dont la valeur totalise 75 millions. À la fin de 2012, la Caisse détenait 4,4% des actions d'Osisko.

Les 550 millions provenant de la Caisse et de l'OIRPC serviront à financer les quelque 992 millions qui seront remis aux actionnaires d'Osisko (2,19$ par action). Yamana fournira les 442 millions restants.

Avantages

Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse, a assuré hier que le gouvernement péquiste, qui prône le maintien des sièges sociaux au Québec, n'avait pas incité l'institution à intervenir dans ce dossier. «Comme dans tous nos investissements, c'est vraiment une décision de la Caisse, a-t-il indiqué. Il faut vraiment que ça corresponde à nos critères.»

Si la transaction va de l'avant, les actifs d'Osisko seront transférés dans une société en commandite qui sera détenue à parts égales par Yamana et la nouvelle Osisko, dont le siège social demeurera à Montréal. La nouvelle société prévoit verser un dividende, ce que ne fait pas Osisko actuellement.

«L'annonce procure une valeur beaucoup plus importante à nos actionnaires, a déclaré hier le PDG d'Osisko, Sean Roosen. Elle offre aussi aux actionnaires la certitude de pouvoir continuer à participer au potentiel de croissance futur de notre mine Canadian Malartic, qui génère des flux de trésorerie très solides, ainsi que la capacité de continuer à bénéficier de nos futurs travaux d'exploration et de développement.»

La transaction permet à Yamana, dont les activités sont actuellement concentrées en Amérique latine, de se diversifier géographiquement. Le grand patron de Yamana, Peter Marrone, a fait remarquer que les deux entreprises se ressemblaient par le fait qu'elles sont toutes deux entrées en production en moins de 10 ans.

«Personne ne peut nier que le Québec est un État très stable et très accueillant pour l'industrie minière. C'est pourquoi nous effectuons cette transaction», a commenté M. Marrone. Il a noté que l'acquisition de la moitié des actifs d'Osisko fera baisser les coûts moyens de production de Yamana. De plus, la transaction procurera un avantage fiscal à Yamana, qui pourra désormais déduire des pertes antérieures des revenus canadiens d'Osisko.

Scepticisme

La complexité de la transaction a donné beaucoup de fil à retordre aux analystes financiers, qui ont multiplié les questions techniques au cours de la téléconférence tenue avec les dirigeants de Yamana et d'Osisko. Plusieurs d'entre eux se sont montrés sceptiques.

Joseph Fazzini, analyste chez Dundee Capital Markets, a souligné que l'entente ne prévoit pas de synergies puisque Osisko conservera son siège social. De plus, a-t-il ajouté, la nouvelle Osisko aura un fardeau d'endettement plus élevé. «Les charges globales de l'entreprise augmenteront, ce qui aura un impact négatif sur sa valeur», a-t-il écrit dans une note.

Selon son collègue Josh Wolfson, le portrait est à peine plus reluisant pour les actionnaires de Yamana. La transaction se traduira par une «modeste» hausse de la rentabilité de l'entreprise «au prix d'un endettement qui sera beaucoup plus élevé», a-t-il estimé. D'après ses calculs, la dette nette de Yamana passera de 1,0 milliard à 1,6 milliard, un niveau qu'il estime «préoccupant».

La transaction devra être approuvée par les actionnaires d'Osisko au cours d'une assemblée qui aura lieu d'ici le 20 mai. Jusqu'ici, Goldcorp avait dit ne pas avoir l'intention de bonifier son offre pour Osisko. Mais hier, l'entreprise vancouvéroise n'était pas aussi formelle.

«Il est encore trop tôt pour dire si nous allons augmenter ou non notre offre», a affirmé à La Presse Affaires un porte-parole, Brent Bergeron.

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QUI EST YAMANA GOLD?

L'entreprise torontoise a été fondée en 2003 par Peter Marrone, un avocat d'affaires qui a été vice-président exécutif de la financière Canaccord Capital. Son nom vient d'un peuple amérindien qui habitait la Terre de Feu (Argentine et Chili). Sixième producteur d'or mondial, Yamana exploite actuellement huit mines situées au Brésil, au Mexique, au Chili et en Argentine. L'entreprise a aussi plusieurs projets d'exploration dans ces pays.

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CHRONOLOGIE D'UN FEUILLETON

> Septembre 1998: Le géologue montréalais Robert Wares fonde Osisko.

> Septembre 2008: Osisko propose à Goldcorp d'acheter 8 millions d'actions d'Osisko au prix de 2,50$ chacune; Goldcorp accepte.

> Novembre 2008: Goldcorp présente une première offre de 550 millions, qu'Osisko rejette.

> Avril et septembre 2009: Goldcorp dépose deux autres offres qui sont également refusées par Osisko.

> Février 2011: Goldcorp vend la totalité de sa participation dans Osisko, qui s'élève alors à 38,6 millions d'actions, soit 10,1% du total, enregistrant un gain de 320 millions US au passage.

> Été 2012: Osisko entre en contact avec Goldcorp pour discuter d'une possible transaction.

> Été et automne 2013: Osisko et Goldcorp tiennent des pourparlers, mais ne parviennent pas à s'entendre.

> Janvier 2014: Goldcorp dépose une offre hostile de 2,6milliards pour acquérir Osisko.

> Avril 2014: Osisko conclut une entente avec Yamana Gold.

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LE DRÔLE D'INVESTISSEMENT DE LA CAISSE

C'est par l'entremise d'un instrument financier inusité que la Caisse de dépôt investira dans Osisko. L'institution versera un dépôt de 275 millions de dollars à l'entreprise pour obtenir le droit d'acheter 37 500 onces d'or par année à un prix préétabli: 42% du cours du métal sur le marché. La Caisse réalisera un rendement en revendant l'or. Osisko pourra racheter le contrat n'importe quand, à condition de garantir un rendement minimum de 8% à la Caisse. De tels contrats sont relativement courants dans l'industrie minière, surtout en phase de mise en production, mais il est assez rare que des investisseurs institutionnels en achètent. Bien sûr, la Caisse ne recevra pas de lingots d'or à ses bureaux: ceux-ci seront entreposés en lieu sûr avant d'être livrés aux clients.

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CE QU'ILS EN DISENT

«Osisko demeure maître de ses choix et elle a ce qu'il faut pour devenir un leader mondial de l'industrie minière.»

- Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec

«Osisko est un exemple parfait des effets structurants qu'entraîne la présence d'un siège social, que ce soit par les nombreux emplois de haut niveau et bien rémunérés, ou encore le développement d'un vaste réseau de fournisseurs locaux, en région et dans la métropole. Tout cela était menacé par l'offre d'achat hostile de Goldcorp.»

- Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

«Une transaction complexe pour une situation compliquée.»

- Joseph Fazzini, analyste financier chez Dundee Capital Markets

«Nous avons été très clairs sur le fait que le développement économique du Québec nous tenait à coeur [et] que la Caisse devait agir en ce sens. M. [Michael] Sabia [PDG de la Caisse], depuis notre arrivée, a très bien compris nos orientations.»

- Nicolas Marceau, ministre des Finances sortant