Un promoteur sollicite l'aide du gouvernement Marois pour relancer les activités de production de magnésium dans la région d'Asbestos, un projet ambitieux dont la valeur pourrait friser les 600 millions de dollars.

Alliance Magnésium, entreprise dirigée par le chimiste Joël Fournier, entend construire dès l'année prochaine une usine-pilote qui transformerait en magnésium les minéraux résiduels de l'industrie de l'amiante, qu'on trouve en quantités astronomiques à Asbestos et à Thetford Mines.

M. Fournier a perfectionné le procédé de fabrication de magnésium que la défunte usine Magnola de Danville a utilisé pendant sa courte vie, de 2000 à 2003. La nouvelle technologie est à la fois moins polluante et moins coûteuse que celle de Magnola, a soutenu hier M. Fournier au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Affaires.

L'Institut national de la recherche scientifique (INRS) et une firme d'ingénierie ont «validé» la technologie, a précisé le dirigeant d'Alliance Magnésium. Invoquant des ententes de confidentialité, il a toutefois refusé de dire quels experts ont effectué cette validation. Trois demandes de brevet ont été déposées auprès des autorités fédérales.

Autre facteur important pour le projet: le marché du magnésium est devenu plus attrayant ces dernières années. «Au milieu des années 2000, les conditions étaient devenues très défavorables», a souligné Joël Fournier. Les producteurs chinois avaient alors inondé les marchés mondiaux, ce qui avait fait chuter les prix du magnésium.

La situation a changé à partir de 2005, alors que les États-Unis ont commencé à imposer des droits antidumping sur les importations de magnésium en provenance de la Chine et de la Russie, a expliqué l'homme d'affaires. La Chine a aussi fortement accru sa consommation de ce métal léger, de sorte qu'elle en exporte moins qu'auparavant.

«On n'est pas les seuls dans le monde à avoir l'idée de lancer un projet de magnésium, il y en a plusieurs autres», a noté M. Fournier.

Financement

Alliance Magnésium a recueilli 1,3 million auprès d'investisseurs privés et a déjà investi 1 million dans le projet. Pour l'usine-pilote, qui emploierait une dizaine de personnes, l'entreprise a besoin de 10 millions. Elle espère que le gouvernement lui fournira la moitié de cette somme, que ce soit par l'entremise d'Investissement Québec ou du Fonds de diversification économique de 50 millions créé pour compenser l'abandon du projet d'exploitation souterraine de la mine d'amiante chrysotile Jeffrey, à Asbestos.

«On est déjà avancés dans nos discussions avec le gouvernement, a confié Joël Fournier. C'est sûr qu'on doit encore attacher plusieurs ficelles, mais j'ai bon espoir que le projet commence à prendre forme au début de 2014.»

M. Fournier dit avoir conclu une entente avec le président de Jeffrey, Bernard Coulombe, pour s'approvisionner en serpentine, la matière résiduelle issue de la production d'amiante. Il s'affaire également à négocier des contrats de vente de magnésium avec des acheteurs importants. Mais ce qui importe le plus à ce stade-ci, c'est de trouver des investisseurs privés prêts à plonger dans cette aventure somme toute risquée.

«On sollicite des fonds un peu partout: au Québec, en Ontario, aux États-Unis et en Europe, a-t-il indiqué. Une banque d'investissement travaille avec nous pour identifier certains joueurs potentiels. On a déjà des intérêts sérieux.»

Si l'usine-pilote tient ses promesses, tant sur le plan de la qualité du magnésium que des coûts de production, l'entreprise prévoit construire en 2015 une usine «pré-commerciale» au coût d'une trentaine de millions. Viendrait ensuite, en 2016, une usine commerciale d'une capacité de 50 000 tonnes métriques par an, qui emploierait de 250 à 300 personnes et dont la facture est évaluée à 535 millions. L'ensemble du projet nécessiterait donc des investissements totaux de près de 585 millions.

Bernard Laroche, président sortant de la Corporation de développement économique de Danville, voit d'un bon oeil le projet d'Alliance Magnésium, mais demeure prudent. «On a déjà été échaudés une fois avec Magnola», a-t-il rappelé.

Le magnésium est un métal solide qui est 30% plus léger que l'aluminium et 70% plus léger que l'acier. Il est utilisé dans les alliages d'aluminium, dans l'industrie automobile et pour la fabrication de produits électroniques. «Le marché croît de 50 000 tonnes par année», a relaté Joël Fournier.

Le promoteur n'a pas voulu donner de détails sur les coûts de production de son procédé, mais il a assuré que ceux-ci seront suffisamment faibles pour permettre à l'entreprise de résister à d'éventuelles baisses des cours du magnésium.

«On va pouvoir concurrencer le reste du monde sans aucun problème, a-t-il martelé. Nos coûts de production seront parmi les plus bas au monde.»

Deux cas d'entreprises

Magnola

Cette usine de 720 millions a été construite par une coentreprise détenue à 80% par la société minière Noranda (qui fait aujourd'hui partie du géant européen Glencore) et à 20% par la Société générale de financement (SGF), une société d'État aujourd'hui fusionnée avec Investissement Québec. Le projet avait suscité une vive opposition de la part de certains environnementalistes.

Orbite

Le modèle d'affaires d'Alliance Magnésium ressemble à celui d'Orbite Aluminae, où Joël Fournier a travaillé de 2007 à 2012. Les deux entreprises ont mis au point des procédés novateurs d'extraction - de magnésium et d'alumine respectivement - et tentent de les rendre viables commercialement. M. Fournier veut toutefois se distinguer d'Orbite en repoussant l'entrée en Bourse d'Alliance Magnésium après la mise en service de l'usine-pilote. Notons qu'Orbite a annoncé hier ne pas avoir réussi à s'entendre avec Investissement Québec pour un financement. Les pourparlers se poursuivent malgré tout, a précisé l'entreprise.