Le programme de subventions à la rénovation lancé par le gouvernement Marois signifie probablement la mort de l'industrie du chauffage au mazout et la disparition des 7000 emplois qu'elle procure au Québec.

Le crédit d'impôt de 20% accordé à ceux qui changent leur système de chauffage pour un nouveau plus performant ne s'applique pas aux appareils de chauffage au mazout à haute efficacité.

De là à conclure que Québec veut la mort de l'industrie, il n'y a qu'un pas que franchit Pierre Fournier, porte-parole de l'industrie. «On est sous le choc», dit-il en entretien avec La Presse Affaires.

Le mazout reste la deuxième source de chauffage au Québec, loin derrière l'électricité mais devant le gaz naturel. Il compte 300 000 clients, dont le tiers dans les régions de Montréal et Laval.

Avec l'augmentation du prix du pétrole, l'industrie a perdu beaucoup de clients qui ont opté pour l'électricité pour le chauffage. Le programme ÉcoRénov lancé le 7 octobre risque de lui faire perdre ceux qui restent.

Le Regroupement de l'industrie du mazout a écrit à la première ministre Pauline Marois pour lui faire part de sa consternation et lui demander de pouvoir participer au programme ÉcoRénov. «Nous souhaiterions que tout au moins les fournaises et bouilloires au mazout libellées «Energy Star» fassent partie des crédits d'impôt stipulés dans votre programme», a écrit Pierre Fournier dans sa lettre.

La nécessité de ne pas dépendre uniquement de l'électricité pour le chauffage et les 7000 emplois en jeu sont les principaux arguments de l'industrie. Les emplois se retrouvent chez les distributeurs de mazout et les deux fabricants québécois d'équipement de chauffage, Les Industries Granby et Dettson, à Sherbrooke.

Pierre Fournier, qui est président des Industries Granby, souligne que ces arguments font mouche auprès des élus locaux, mais que le gouvernement les ignore. Sa lettre à Pauline Marois est restée sans réponse.

«C'est sûr que parler d'énergie verte est plus vendeur, mais la réalité est que les énergies fossiles seront encore utiles longtemps», dit-il.

Selon Pierre Fournier, les fabricants ont mis sur le marché des appareils de chauffage au mazout aussi performants que les fournaises au gaz naturel ou au gaz propane qui sont admissibles au programme ÉcoRénov.

Avec la part de marché qui lui reste au Québec, soit autour de 10%, l'industrie du mazout pense qu'elle peut continuer d'offrir ses services partout au Québec, et notamment dans les régions où les secteurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt ne peuvent pas fonctionner avec d'autres sources d'énergie que le mazout.

Si cette part de marché baisse encore, le système de distribution du mazout sera affecté, et les clients seront privés de livraison, affirme Pierre Fournier. Déjà, en régions, des dépôts ont fermé, et les livraisons se sont espacées.

L'industrie du chauffage au mazout est consciente de ne pas avoir la cote, mais elle assure qu'elle est nécessaire. «C'est comme pour les raffineries de pétrole, dit Pierre Fournier. Personne ne les aime jusqu'à ce qu'elles ferment leurs portes, et après on les regrette.»

Le cabinet de la première ministre Marois n'avait pas rappelé La Presse au moment de mettre sous presse.

PARTS DE MARCHÉ

Résidentiel

Électricité: 71%

Biomasse: 13%

Gaz naturel: 9%

Pétrole (mazout): 7%

Commercial et institutionnel

Électricité: 57%

Pétrole: 29%

Gaz naturel: 28%

Industriel

Électricité: 56%

Gaz naturel: 16%

Biomasse: 15%

Pétrole: 11%

Charbon: 3%

Sources: Ministère des Ressources naturelles du Canada et Statistique Canada