Le Groenland s'est résolument lancé jeudi dans l'aventure minière, en accordant sa première grande concession, dans le fer, et en s'ouvrant à l'exploitation de son uranium.

Ce territoire autonome du Danemark compte fortement sur ses ressources en minerais pour développer une économie qui dépend des subsides versés par Copenhague, de la pêche, la chasse et l'élevage. Son sous-sol est riche, et la fonte des glaces le rend plus accessible.

Lors d'une journée «historique» d'après le ministre de l'Industrie et des Minerais Jens-Erik Kirkegaard, le Groenland a lancé un signal aux investisseurs qui croiraient à son potentiel.

Le gouvernement a d'abord délivré à une compagnie minière britannique, London Mining, un permis d'exploitation pour 30 ans d'un gisement de fer à 150 km au nord-est de la capitale Nuuk, qui devrait produire 15 millions de tonnes par an.

«Ce projet est le plus grand jamais vu au Groenland, ouvrant de grandes perspectives pour l'avenir de notre société», a affirmé dans un discours M. Kirkegaard, se félicitant des redevances négociées par son gouvernement.

Ensuite, le Parlement a abrogé, par 15 voix contre 14 et une abstention, l'interdiction qui pesait depuis 1988 sur l'extraction de l'uranium. Appelée «tolérance zéro», elle devait beaucoup à la répulsion du Danemark pour le nucléaire.

Les esprits ont évolué, et en mars, les électeurs groenlandais se sont laissés convaincre par les sociaux-démocrates, qui promettaient de tirer parti fiscalement de l'intérêt de groupes étrangers pour le sous-sol de l'île.

Première femme à devenir chef de gouvernement, Aleqa Hammond souhaite moderniser le Groenland, dont l'isolement géographique et les rares infrastructures sont les points faibles. Selon elle, le territoire a le potentiel «pour devenir un exportateur important d'uranium, parmi les dix premiers au monde voire les cinq premiers».

Les retombées attendues ne devraient pas être immédiates.

Le projet de London Mining attend encore de boucler son financement, si bien qu'aucune date n'a été arrêtée pour le lancement des travaux.

Mais quand il démarrera, il devrait changer la face de l'île. L'entreprise projette un chantier de construction de trois ans, employant de 1 000 à 3 000 personnes selon les phases, ce qui devrait faire grimper la population d'une île qui compte aujourd'hui 56 000 habitants.

La majorité des ouvriers devraient être chinois, London Mining ayant indiqué en 2010 que «l'implication de groupes chinois devraient selon les prévisions permettre des économies de coût importantes». La majorité des clients aussi devraient être chinois.

La compagnie table sur 810 emplois au plus fort de l'exploitation de la mine, dont il estime que 55 % pourraient être occupés par des Groenlandais.

London Mining calcule qu'il devrait payer 3,8 milliards d'euros d'impôts sur 15 ans, ce qui aujourd'hui gonflerait le budget du Groenland de près de 20 %.

Dans l'uranium, les projets sont embryonnaires. Le plus avancé est celui de l'entreprise australienne Greenland Minerals and Energy, qui a prospecté sur un gisement de terres rares et de zinc, Kvanefjeld, peu exploitable sans autorisation d'extraire l'uranium.

La société et la classe politique groenlandaises restent très divisées sur la question des mines. Chaque demande de permis d'exploitation devrait être âprement discutée.

Les partisans de cette industrie voient en elle le moyen de franchir le plus gros obstacle à l'indépendance: trouver les recettes fiscales qui remplaceront les subventions danoises (plus d'un tiers du budget).

Les adversaires, y compris des indépendantistes, soulignent les risques pour l'environnement et le mode de vie inuit. Une manifestation de 400 personnes mercredi devant le Parlement a donné une idée de leur détermination.

Le feu vert à l'uranium avait incité mercredi le Parti inuit à quitter la coalition gouvernementale. Mais même sans lui, elle reste majoritaire, les sociaux-démocrates ayant l'appui du parti conservateur pro-danois Atassut.