Hydro-Québec fait face à un mur de protestations devant la Régie de l'énergie qui se penche aujourd'hui sur sa demande d'augmentation de son taux de rendement, la première étape de l'examen de la hausse de tarifs de 5,8% réclamée par la société d'État à compter du 1er avril 2014.

Hydro demande à la Régie d'augmenter de 6,4 à 9,2% son taux de rendement annuel. Cette requête justifierait une part de 2,4% de la hausse de 5,8% des tarifs d'électricité, la plus forte hausse des 20 dernières années, et elle est critiquée tant par les petits consommateurs que par les grands clients.

«Hydro veut obtenir un rendement comparable à celui des entreprises privées de son secteur, mais il n'y a personne dans le privé qui achèterait de l'énergie dont il n'a pas besoin», explique Marc-Olivier Moisan-Plante, l'analyste en énergie de l'Union des consommateurs.

C'est le gouvernement qui oblige Hydro à encourager les producteurs privés d'énergie alternative à un coût élevé, même si elle a des surplus jusqu'en 2027. Quand l'actionnaire s'ingère de cette façon dans la mécanique, il doit s'attendre à une baisse du rendement, pas à une hausse, selon M. Moisan-Plante.

L'Union des consommateurs est donc d'avis que la Régie de l'énergie ne devrait pas encourager Hydro à continuer d'acheter de l'énergie. «La Régie doit sanctionner ce comportement-là", dit l'analyste, qui a calculé que l'électricité excédentaire achetée par Hydro justifierait une réduction de 3,4% de son rendement autorisé, et non pas une augmentation.

Le taux de rendement est une limite imposée aux entreprises réglementées pour ne pas qu'elles abusent de leur situation dominante dans leur marché. Le rendement «juste et raisonnable» a été calculé il y a 10 ans par la Régie de l'énergie et il était l'an dernier de 6,4% pour Hydro-Québec Distribution et Hydro-Québec TransÉnergie, les deux divisions réglementées d'Hydro-Québec.

Cette année, Hydro a embauché des experts américains de la firme Concentric Energy Advisors pour venir expliquer à la Régie de l'énergie que le rendement autorisé devrait passer de 6,4% à 9,2% pour pouvoir se mesurer aux entreprises comparables du secteur privé de l'énergie.

Hydro ne peut justement pas être comparée à des entreprises privées qui vivent dans un milieu concurrentiel, fait valoir Olivier Charest, l'analyste de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE), qui regroupe les alumineries et les autres grands clients d'Hydro-Québec.

L'analyste ne croit pas que le gaz naturel, qui est actuellement la source d'énergie la moins chère pour le chauffage, est un concurrent sérieux pour l'électricité, comme le prétend Hydro dans sa requête. Il est «très peu probable qu'elle perde une masse critique de clients», explique-t-il.

TransCanada PipeLines, qui fait partie des entreprises privées auxquelles Hydro a été comparée par ses experts américains, vient de perdre à peu près tous ses clients dans l'est du pays parce qu'ils s'approvisionnent en gaz de schiste américain à meilleur coût. Une telle chose ne peut pas arriver à Hydro-Québec, souligne l'analyste de l'AQCIE. Alors que le prix du gaz naturel est au plus bas, quelque 10 000 ménages par an convertissent leur système de chauffage du mazout à l'électricité, ajoute-t-il.

Toute augmentation du taux de rendement autorisé d'Hydro-Québec signifie des millions de dollars de profits supplémentaires pour l'entreprise et son seul actionnaire, le gouvernement du Québec.

La demande d'Hydro-Québec est jugée exagérée parce que depuis 2008, la société réalise année après année un rendement réel supérieur à son rendement autorisé et empoche ainsi des centaines de millions de dollars en profits supplémentaires.

Ce rendement supplémentaire s'explique par les prévisions prudentes qu'Hydro soumet à la Régie, et qui s'avèrent finalement meilleures que prévu.

Pour les années à venir, Hydro propose de partager une partie de ces profits supplémentaires avec ses clients en réduisant, par exemple, son appétit tarifaire. Ces mesures sont insuffisantes, estiment les intervenants devant la Régie, parce qu'elles n'incitent pas Hydro à réduire ses coûts pour devenir plus efficace.

Hausse de tarif demandée par Hydro pour 2013-2014. La hausse du taux de rendement représente 2,4% tandis que la hausse annuelle des tarifs équivaut à 3,4%.