Alors que le gouvernement péquiste souhaite exploiter le gisement Old Harry dans le golfe du Saint-Laurent, un rapport prévient qu'il manque encore de connaissance sur les impacts pour la faune et la flore marines et que les stratégies d'intervention en cas de catastrophe restent encore «déficientes».

Parmi les autres constats: l'acceptabilité sociale d'une éventuelle exploitation des hydrocarbures en milieu marin «n'est pas acquise». L'étude a «clairement fait ressortir des appréhensions profondes», y lit-on. On recommande de «tenir compte des leçons de l'accident Deepwater Horizon» dans le golfe du Mexique et d'évaluer les impacts sur l'ensemble du golfe, incluant les industries du tourisme et de la pêche qui en dépendent. Le rapport souligne aussi que la loi sur la qualité de l'environnement n'exige pas encore de certificat d'autorisation pour les levées sismiques, lors des travaux d'exploration.

Limiter les critiques

Le gouvernement péquiste a choisi de rendre publique vendredi après-midi à 15h10 cette évaluation environnementale stratégique (EES) costaude de 802 pages https://goo.gl/CJJ4K3 sur l'exploration et l'exploitation pétrolière et gazière dans les bassins du golfe Saint-Laurent. Elle devait initialement être déposée l'année dernière.

«Une sortie un vendredi après-midi est toujours suspecte, car souvent destinée à limiter les possibilités de réactions par les critiques», a réagi Charles Latimer, responsable de la campagne océans de Greenpeace.

La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, ne cache pas son intérêt pour explorer et exploiter un jour le gisement Old Harry, situé sur la frontière maritime entre Québec et Terre-Neuve, à environ 80 kilomètre au large des Iles-de-la-Madeleine.

Pour donner suite à cette étude environnementale, elle a lancé deux comités économiques, sur les retombées et sur le volet technique. «On veut plus d'informations sur les coûts typiques d'exploitation et les revenus que l'État pourrait en retirer», a expliqué la ministre en interview. Ces études resteront forcément incomplètes. La ministre n'a pas encore déposé son projet de loi pour modifier le régime de redevances des hydrocarbures.

«Il faut avancer», dit Mme Ouellet. Elle rappelle que le Québec importe son pétrole, ce qui se solde par un déficit commercial annuel de 14 milliards de dollars. «Et même si on travaille sur l'efficacité énergétique, on aura quand même besoin de pétrole.»   

Christian Simard, porte-parole de la Coalition Saint-Laurent, demande une étude du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). «C'est important de bien comprendre les conséquences environnementales de l'exploitation, d'un déversement en été ou en hiver et d'évaluer les plans d'intervention. Et il faut aussi ne pas oublier que c'est à la phase de l'exploration que surviennent souvent les pires catastrophes», lance le représentant du groupe d'environnementalistes. M. Simard préfère compléter son analyse technique de l'ÉES avant d'en tirer des conclusions. Greenpeace réclame aussi «au minimum» un BAPE, et s'inquiète de voir que les comités lancés par la ministre ont une vocation essentiellement économique.   

Mme Ouellet promet qu'il y aura une consultation pour faire suite à cette étude, mais ne s'engage pas pour l'instant à la confier au BAPE.

Au terme de la précédente ÉES, un moratoire permanent avait été décrété pour l'estuaire du Saint-Laurent. Un moratoire est aussi en vigueur dans le golfe, mais il n'est pas permanent.

Terre-Neuve a déjà vendu des permis à Corridor Ressources dans sa portion du gisement. Les travaux d'exploration ont déjà commencé. Québec est rendu moins loin. Le gouvernement péquiste négocie encore avec le fédéral, de qui relève les fonds marins, pour adopter des lois miroirs permettant de lancer les forages.

Par ailleurs, il existe encore un litige avec Terre-Neuve pour établir le tracé de la frontière maritime.