Les prix du pétrole coté à New York ont fini en hausse pour le deuxième jour consécutif jeudi, le marché s'inquiétant à nouveau de la situation incertaine au Moyen-Orient et en Libye.

Le baril de référence (WTI) pour livraison en octobre a avancé de 1,04 dollar sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), pour clôturer à 108,60 dollars.

À Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en octobre a terminé à 112,63 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en hausse de 1,13 dollar par rapport à la clôture de mercredi.

«Les prix reflètent un renouveau des inquiétudes sur la Syrie et la Libye», explique Phil Flynn, de Price Futures Group.

En début de séance, les prix avaient bondi suite aux informations selon lesquelles des obus de mortier avaient été lancés de Syrie sur la partie du plateau de Golan occupée par Israël.

Un porte-parole militaire israélien avait cependant indiqué qu'il s'agissait «apparemment d'une erreur de tir».

«Après cela, c'est la Libye qui a annoncé avoir déclaré l'état de force majeure sur trois de ses terminaux pétroliers», commente Phil Flynn.

Pour le pays, propriétaire de la production de pétrole, le cas de «force majeure» lui permet de se dédouaner de ses obligations de livraison en invoquant un événement exceptionnel.

En l'occurrence, des manifestations depuis le mois de juillet ont entraîné la fermeture de terminaux pétroliers. Le gouvernement est en effet en conflit avec un groupe de gardes qu'il accuse de chercher à détourner du brut, ces derniers accusant à leur tour les autorités de vendre du pétrole de façon irrégulière.

La production du brut a par conséquent chuté à moins de 100 000 barils par jour, selon des responsables libyens, alors qu'elle s'établit hors période de conflit autour de 1,5 à 1,6 million de barils par jour.

En Syrie, la situation reste incertaine alors que les investisseurs attendent de voir si le régime de Bachar al-Assad va, comme il l'a fait savoir, adhérer à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.

Les chefs de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et américain John Kerry mènent des négociations qui s'annonçaient difficiles à Genève, en Suisse. Lors d'une conférence de presse avant d'entamer ces discussions, ils ont d'emblée affiché leurs divergences.

John Kerry a notamment fait preuve d'un scepticisme peu diplomatique en déclarant à son homologue: «Vous voulez que je vous croie sur parole? C'est un peu tôt pour cela».

Par conséquent, remarque Phil Flynn, l'entrée dans une saison moins consommatrice en or noir, après les déplacements estivaux en voiture et avant les besoins de chauffage au fioul en hiver, était contre-balancée par les tensions internationales.

Autre élément un peu effacé dans ce contexte, l'incertitude liée au devenir de la politique monétaire américaine, qui regagnait peu à peu les marchés à quelques jours d'une décision à ce sujet du Comité de politique monétaire de la banque centrale des États-Unis (Fed).

Si celle-ci annonce mardi, comme attendu par de nombreux analystes, un ralentissement de son soutien à l'économie, les flux financiers devraient se retirer des actifs risqués, comme le pétrole, et ainsi contenir la hausse du prix du baril, note l'analyste de Price Futures Group.

La chute des devises pourrait réduire la demande

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a maintenu jeudi ses prévisions de croissance de la demande pétrolière en 2013 et 2014, mais a averti qu'une poursuite de la chute des monnaies des pays émergents risquerait d'affecter la consommation d'or noir.

L'AIE table toujours sur une hausse de 895 000 barils par jour de la demande de brut cette année, soit une croissance de 1% à 90,9 millions de barils par jour (mbj), et une légère accélération l'an prochain, à la faveur d'un raffermissement de la reprise mondiale, avec une progression de 1,1 mbj (+1,2%), à 92 mbj, détaille-t-elle dans son rapport mensuel publié jeudi.

Ces chiffres sont identiques à ceux figurant dans le précédent rapport mensuel de l'AIE, hormis une légère révision à la hausse de la demande pour 2013, qu'elle estimait en août à 90,8 millions de barils par jour.

Tout en maintenant globalement ses projections, l'AIE prévient que «des incertitudes renforcées pèsent sur la prévision de la demande, tout particulièrement dans le sillage des dépréciations brutales de plusieurs monnaies de pays émergents et des tensions politiques croissantes».

Concernant la géopolitique, elle explique que si la proposition russe de démantèlement de l'arsenal chimique syrien a apaisé dernièrement les cours du pétrole brut, il est trop tôt pour dire «si une crise a été durablement évitée, ou simplement retardée», et souligne que les cours du brut restent élevés.

Cependant, elle continue à tabler sur un apaisement relatif des tensions sur l'offre en fin d'année, avec un bond de la production planétaire lié «à une conjonction de facteurs saisonniers, cycliques, politiques et structurels». Cela recouvre la fin d'opérations de maintenance des installations dans plusieurs régions, une production saoudienne proche de ses records et une poursuite de la croissance de la production de pétrole non conventionnelle en Amérique du Nord.

En revanche, elle souligne que la chute des devises des pays émergents (comme l'Inde, l'Indonésie ou la Thaïlande), si elle perdurait, pourrait affecter à long terme la consommation d'or noir. En effet, elle fait mécaniquement grimper les factures pétrolières de ces pays, le prix du pétrole étant traditionnellement fixé en dollars.

En outre, elle prévient que cela pourrait remettre en cause les subventions à la consommation de carburants en place dans certains pays, comme en Inde, en en faisant un fardeau financier croissant, jusqu'à devenir «insupportable» à terme.