Le projet de TransCanada de rentabiliser une partie de son gazoduc pancanadien en transportant du pétrole de l'Ouest plutôt que du gaz naturel fera augmenter le prix du gaz pour les consommateurs québécois, qui se trouvent au bout de ce long tuyau.

Gaz Métro et d'autres consommateurs et distributeurs de gaz naturel du Québec et de l'Ontario se sont plaints à l'Office national de l'énergie des intentions de TransCanada, qu'ils accusent d'abuser de sa position dominante dans le transport du gaz naturel.

TransCanada exige des tarifs prohibitifs pour maintenir une capacité de transport de gaz naturel vers l'Ontario et le Québec, explique Patrick Cabana, vice-président, approvisionnement et réglementation, de Gaz Métro.

L'incertitude qui s'est installée quant à la sécurité et au prix des approvisionnements en gaz naturel du Québec commence à faire peur à d'importants investisseurs industriels, affirme le porte-parole de Gaz Métro. Des projets d'implantation d'usines au Québec sont actuellement remis en question, selon lui.

C'est l'abondance du gaz issu des schistes de Marcellus et d'Utica, en Pennsylvanie, qui a forcé TransCanada à envisager des solutions pour rentabiliser la partie de son gazoduc située dans l'est du pays. Ses clients de l'Ontario et du Québec préfèrent s'approvisionner au poste de Dawn, en Ontario, où le gaz de schiste est abondant et moins cher, parce qu'il vient de moins loin.

Du gaz «moins disponible»

Gaz Métro a ainsi obtenu la bénédiction de la Régie de l'énergie pour acheter 60% du gaz qu'elle distribue à Dawn plutôt que de le faire venir entièrement de l'Alberta, via le gazoduc de TransCanada, un voyage de 3700 kilomètres.

«On doit assurer nos approvisionnements. Le gaz naturel de l'Alberta devient de moins en moins disponible pour ceux qui se trouvent au bout du pipeline, comme l'Ontario et le Québec», précise Patrick Cabana.

L'industrie des sables bitumineux, en pleine expansion, consomme une grande quantité de gaz naturel, ce qui en laisse moins pour les marchés des autres provinces.

Le gazoduc de TransCanada, connu sous le nom de Mainline, est donc moins utilisé, d'où le projet d'en transformer une partie pour qu'il transporte du pétrole plutôt que du gaz vers l'est du pays.

Ce projet, connu sous le nom d'Énergie Est, consiste à acheminer 850 000 barils de pétrole par jour de l'Ouest vers les raffineries du Québec, des Maritimes et de la côte Est américaine. Il prévoit la conversion de 3000 kilomètres de tuyaux existants pour transporter du pétrole, et la construction de 1400 kilomètres de nouvelles canalisations. Sa mise en service est prévue en 2018.

TransCanada n'a pas encore soumis son projet à l'Office national de l'énergie, mais l'entreprise a fait savoir la semaine dernière que son coup de sonde auprès des utilisateurs potentiels avait été très positif et qu'une annonce est imminente.

Une facture de 138 millions

Si ce projet va de l'avant, les utilisateurs de gaz naturel du Québec et de l'Ontario se verront privés d'une partie de la capacité du réseau de TransCanada, notamment en hiver quand la demande de gaz est la plus importante.

Pour répondre à ces inquiétudes, TransCanada a proposé à ses clients québécois et ontariens de réserver la capacité dont ils auraient besoin en vertu d'un contrat à long terme, plutôt que selon la demande. Les conditions posées par TransCanada sont jugées inacceptables.

«Ils nous disent: ne prenez pas de chance, payez! Mais les prix sont trois ou quatre fois plus élevés que les tarifs normaux, ce qui nous forcerait à passer la facture à nos clients», affirme le vice-président de Gaz Métro.

Le coût du gaz naturel pour les consommateurs du Québec et de l'Ontario augmenterait de 138 millions par année, estiment les distributeurs de gaz qui se sont plaints à l'Office national de l'énergie.

Si on ne trouve aucun terrain d'entente, Gaz Métro serait dans une position encore plus désavantageuse que les distributeurs de gaz ontariens. Ces derniers pourraient construire des canalisations supplémentaires pour se relier au marché américain. Pour l'entreprise québécoise, de tels investissements seraient beaucoup plus coûteux, compte tenu de la distance à couvrir.