À l'assemblée annuelle d'Orbite Aluminae (T.ORT), jeudi, les actionnaires étaient venus en grand nombre. Et ce n'était pas pour louanger les dirigeants de l'entreprise québécoise qui veut révolutionner l'industrie de l'alumine, la matière première de l'aluminium.

«En tant que Canadien français, c'est quasiment impossible d'être heureux s'il n'y a pas de raison de chialer et en ce sens-là, Orbite fait pas mal mon bonheur ces temps-ci», a lancé, ironique, Paul St-Gelais, un des nombreux actionnaires à avoir fait la file aux micros pour interroger et semoncer les dirigeants de l'entreprise.

Un autre actionnaire, Gilles Cossette, est allé jusqu'à proposer une «motion de blâme» à l'encontre de la direction, un geste inusité dans le cadre d'une assemblée annuelle. Environ la moitié des quelque 300 actionnaires présents l'ont appuyée par un vote à main levée.

Bien des petits investisseurs se sentent floués. L'action d'Orbite a perdu plus de 65% de sa valeur depuis février. Or, ce n'est qu'en avril qu'ils ont compris pourquoi. L'entreprise a alors annoncé la première de deux révisions à la hausse des coûts de construction de son usine d'alumine de haute pureté de Cap-Chat, en Gaspésie. La facture est passée de 50 à 106 millions de dollars. La projection était de 13 millions en septembre 2011.

L'action d'Orbite a clôturé à 83 cents jeudi, en baisse de 4,6%. Pour les nombreux investisseurs qui ont acheté le titre à plus de 2,50$, l'automne dernier, le choc est dur à encaisser.

«L'action n'aurait probablement jamais dû valoir plus qu'un dollar si on avait eu l'heure juste, a lancé Denis Baillargeon. Il y en a beaucoup ici qui sont frustrés.»

Michel de Champlain a accusé l'entreprise de ne pas avoir repris dans des communiqués officiels des renseignements privilégiés qui auraient été divulgués au cours de conférences tenues à l'étranger en mars.

Nicolas Boisvert a carrément reproché à Orbite de s'être mal prémunie contre les délits d'initiés, soulignant que les volumes de transactions en Bourse avaient souvent bondi quelques jours avant des annonces importantes.

«On essaie de limiter ce genre de choses-là le plus possible et de trouver les sources [des renseignements privilégiés]», a répondu le PDG d'Orbite, Richard Boudreault.

L'entreprise a promis hier que des «communications transparentes et en temps opportun» allaient devenir la «norme». Ce virage a été confié à Stéphane Bertrand, membre du conseil d'administration et ancien chef de cabinet de l'ex-premier ministre Jean Charest.

Orbite s'est aussi engagée à ne plus multiplier les communiqués dithyrambiques comme elle avait l'habitude de le faire. «Dorénavant, Orbite sera axée sur les résultats, et non sur l'attention médiatique», a déclaré le nouveau chef de l'exploitation, Glenn Kelly.

L'usine de Cap-Chat produit actuellement moins de 50 kilos d'alumine par jour en raison d'une machine improductive. De plus, des problèmes d'impureté sont apparus dans certains échantillons produits. M. Kelly a soutenu que la situation était maîtrisée.

Orbite doit à présent récolter 31 millions pour terminer la construction de l'usine de Cap-Chat. Glenn Kelly n'a pas voulu prédire combien de temps ça pourrait prendre. Toutes les possibilités sont envisagées: aide gouvernementale, émissions d'actions, emprunts. Une fois qu'elle aura trouvé l'argent, l'entreprise prévoit qu'il lui faudra 12 mois pour achever les travaux. Un échéancier «serré», a reconnu M. Kelly.

Les actionnaires redoutent une émission d'actions, qui diluerait automatiquement leur participation dans l'entreprise. Certains voient déjà d'un mauvais oeil l'arrivée prochaine dans l'actionnariat des deux fils de Tony Accurso, qui sont copropriétaires du groupe de construction Hexagone. Orbite doit plusieurs millions à Gastier, une filiale d'Hexagone, et a convaincu la firme d'accepter un paiement sous forme d'actions.