Après des années de progrès impressionnants, la dure réalité rattrape Orbite Aluminae (T.ORT). La confiance des investisseurs est sérieusement ébranlée, mais pas complètement disparue. Alors que se tient aujourd'hui l'assemblée des actionnaires de l'entreprise, la question se pose: Orbite peut-elle revenir en force?

Le changement de ton a été brutal chez Orbite Aluminae depuis le début de l'année. Les communiqués de presse exaltés ont fait place aux mises au point, aux retards et aux dépassements de coûts. L'action a perdu 65% de sa valeur, si bien que plusieurs actionnaires demandent la tête du PDG de l'entreprise, Richard Boudreault. Faudra-t-il en arriver là?

Orbite a breveté une technologie qui permet d'extraire de l'alumine, la matière première de l'aluminium, à partir d'argile. L'entreprise a fait tester son procédé en laboratoire, puis dans une usine-pilote située à Cap-Chat, en Gaspésie, non loin de son gisement de Grande-Vallée, qui contiendrait 1 milliard de tonnes d'argile alumineuse.

La technologie d'Orbite est moins coûteuse et moins polluante que le procédé classique d'extraction d'alumine à partir de la bauxite. Nombreux ont été les petits investisseurs québécois et les Gaspésiens à embarquer dans l'aventure. Or, tous se rendent compte avec amertume aujourd'hui que fabriquer à une cadence industrielle est beaucoup plus complexe que produire en petites quantités. Les faiblesses d'Orbite en matière de planification sont apparues au grand jour.

Il y a un an, Orbite a amorcé les travaux de conversion de l'usine-pilote en usine de production commerciale d'alumine de haute pureté, une matière utilisée notamment dans l'industrie électronique. En septembre 2011, l'entreprise estimait le coût du projet à 13 millions. La facture a bondi à 50 millions en novembre dernier, à 85 millions en mars, puis à 106 millions au début du mois. Pis encore, Orbite a parfois dissimulé ces révisions à la hausse dans des documents déposés discrètement auprès des autorités réglementaires.

L'atteinte d'une capacité de production de trois tonnes par jour, qui était prévue pour le mois de mars, a été remise à l'an prochain. À Cap-Chat, les travaux ont été suspendus: l'entreprise sollicite actuellement des investisseurs pour récolter les 31 millions qui lui manquent pour les terminer. Entre-temps, la production est «intermittente» et ne dépasse pas une tonne par jour.

«Ils ont été un peu trop optimistes, glisse un scientifique qui a travaillé pour Orbite et qui a requis l'anonymat. Ils n'arrivent pas à livrer la marchandise, et le marché n'est plus dupe.»

Glenn Kelly, un vétéran de l'industrie gazière qui est chef de l'exploitation de l'entreprise depuis un mois, reconnaît les ratés et promet d'y voir. «Orbite a voulu aller trop vite, dit-il. Les connaissances pour développer une technologie ne sont pas les mêmes que pour construire et exploiter une usine. C'est là qu'on veut renforcer l'équipe.»

Des rumeurs évoquent une injection de 21 millions provenant d'Investissement Québec (IQ), le bras financier du gouvernement. «Ça aiderait énormément», confie Claude Lamoureux, ancien PDG du Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers') et membre du conseil d'administration d'Orbite depuis la fin de mai. IQ refuse de commenter.

Réorganisation

L'arrivée de MM. Lamoureux et M. Kelly vise à regagner la confiance des investisseurs. La soixantaine d'employés d'Orbite relèvent désormais de Glenn Kelly, et non plus du PDG, Richard Boudreault, qui portait Orbite à bout de bras depuis six ans. Dans un communiqué récent, M. Kelly a indiqué qu'il lui «incombera en grande partie personnellement de finaliser [l'usine] dans les délais et dans le respect du budget».

«Je ne suis pas là pour être le chaperon de M. Boudreault, mais pour le soulager un peu des opérations quotidiennes», assure Glenn Kelly.

À titre de PDG, Richard Boudreault est maintenant responsable des grandes orientations d'Orbite. Tous ceux qui le connaissent en parlent comme d'un être «d'une intelligence supérieure». Mais sur les sites web spécialisés comme Stockhouse, des actionnaires ne se gênent pas pour réclamer son départ.

«M. Boudreault a fait des choses extraordinaires, alors ce n'est pas une chose que je considère pour le moment», rétorque le président du conseil, Lionel Léveillé.

Malgré les difficultés que connaît l'usine d'alumine de haute pureté, Orbite continue de faire avancer ses autres projets, notamment la construction d'une usine d'alumine métallurgique pour l'industrie de l'aluminium.

Il y a moins d'un mois, un ancien fournisseur d'Orbite, SMS Siemag, a publié une étude qui pourrait remettre en question la viabilité économique d'une partie du procédé de l'usine d'alumine métallurgique. «Il y a beaucoup d'éléments [de l'étude] qui ne s'appliquent pas à nous, réplique M. Kelly. [...] Pour moi, ce n'est pas une crainte énorme en ce moment.»

Il faut dire que lundi, le géant européen Glencore Xstrata a donné un appui de taille au projet d'usine d'alumine métallurgique d'Orbite en s'engageant à acheter toute la production de celle-ci pendant ses 10 premières années d'exploitation. Les investisseurs espèrent que cette bonne nouvelle, qui a fait bondir l'action d'Orbite de 23%, sera le premier acte de la nouvelle vie de l'entreprise.

La valeur nette du projet d'usine d'alumine métallurgique d'Orbite Aluminae est passée de 7,7 milliards en novembre 2011 à 1,8 milliard aujourd'hui.