Les cours du pétrole ont plongé de près de 3 dollars à New York jeudi, enregistrant leur plus forte chute depuis novembre, miné par la perspective d'un ralentissement progressif du soutien énorme de la banque centrale américaine à l'économie et un mauvais indicateur chinois.

Le baril de «light sweet crude» (WTI) pour livraison en juillet, dont c'était le dernier jour de cotation, a dégringolé de 2,84 dollars, à 95,40 dollars, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex).

Les cours du brut coté à New York n'avaient pas connu un tel plongeon depuis le 7 novembre, au lendemain de la réélection du président américain Barack Obama, lorsque l'or noir avait glissé de 4,27 dollars sur fond d'incertitudes des marchés financiers.

À Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en août a dégringolé de 3,97 dollars à 102,15 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), enregistrant là aussi sa plus forte baisse depuis le 7 novembre, quand le baril avait chuté de 4,25 dollars.

Comme dans le reste du monde, le marché du brut a assisté «à un bain de sang (...), tout - des matières premières aux marchés actions - » a considérablement reculé, a commenté Matt Smith, de Schneider Electric. «C'est l'un de ces jours où la peur du risque est à son maximum».

Au coeur des inquiétudes des courtiers, le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke a averti mercredi, à l'issue d'une réunion de politique monétaire très attendue, que la Fed pourrait appuyer sur la pédale de frein et réduire dès cette année son concours financier énorme à l'économie américaine, en cas d'amélioration de la conjoncture.

Or, ses injections de liquidités dans le circuit financier, à hauteur de 85 milliards de dollars chaque mois, ont largement participé à l'embellie observée sur les marchés ces derniers mois, et à l'attractivité des actifs jugés risqués, comme les matières premières et le brut.

«Les opérateurs ont voulu croire que Ben Bernanke ne pensait pas sérieusement à un ralentissement» des achats d'actifs de l'institution. «Ils ont pu voir qu'ils s'étaient lourdement trompés», a commenté Phil Flynn, de Price Futures Group.

La perspective de la diminution de ces mesures de soutien, qui ont tendance à diluer le billet vert, a en outre pesé sur le pétrole, a ajouté Rich Illczyszyn, de iiTrader.com.

En effet un coup de fouet du dollar rend moins intéressants les achats d'actifs libellés dans cette monnaie, comme l'or noir.

«Nous sommes actuellement inquiets de l'impact (de la hausse du dollar) sur la demande de pétrole dans les marchés émergents à cause de l'affaiblissement de leur monnaie face au dollar», a commenté Olivier Jakob, de Petromatrix. La roupie indienne et le real brésilien ont été particulièrement affectés.

La plus grande partie de la croissance de la demande mondiale d'or noir provient actuellement des pays émergents, Inde et Chine en tête.

Une statistique chinoise peu brillante a également accentué la glissade des prix du pétrole, très réactifs aux signes de la santé du géant asiatique. Le deuxième consommateur de brut au monde a enregistré en juin sa plus forte contraction de la production manufacturière depuis neuf mois, selon un indice publié par la Banque HSBC.

Pour M. Illczyszyn, ces craintes pour la demande en actifs pétroliers ont précipité une chute du brut qui était inévitable: «le marché s'était hissé bien trop haut, quand l'on sait la situation de l'offre et de la demande» en particulier aux États-Unis, où les réserves, proches de niveaux historiques, ont enregistré mercredi une nouvelle hausse.