Fustigé par les écologistes, craint par certaines municipalités, le projet d'inversion du pipeline Enbridge vers Montréal a gagné des appuis importants, mercredi, lorsqu'un regroupement d'associations d'affaires et un syndicat se sont unis pour promouvoir le projet.

Le groupe réunit en outre la Fédération des chambres de commerces du Québec, le Conseil du patronat, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, ainsi que le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

L'initiative vise à mettre en relief les bénéfices économiques de l'inversion de l'oléoduc, qui permettrait d'acheminer vers les raffineries québécoises du brut albertain. Actuellement, ces établissements s'approvisionnent au Moyen-Orient, en Afrique et en mer du Nord où chaque baril de brut peut coûter jusqu'à 20$ plus cher qu'un baril produit au Canada.

Le président du Conseil du patronat, Yves Thomas Dorval, souligne que les écologistes opposés au projet ont vite occupé la place publique après que la société albertaine Enbridge eut fait connaître ses intentions. Il dit vouloir soumettre d'autres arguments aux citoyens.

« Le développement durable, ça repose sur trois piliers : l'environnement, le social et l'économique, a-t-il dit. Nous considérons qu'il est aussi important de faire valoir sur la place publique des arguments économiques et des emplois sociaux. »

Les raffineries de pétrole de Montréal-Est et de Lévis ne seront pas les seules à profiter de l'arrivée de pétrole albertain, fait valoir le groupe. Les fabricants de plastique, l'industrie textile, même certains médicaments utilisent du pétrole. Et tous pourront s'approvisionner à un coût moins élevé qu'actuellement.

Le secteur pétrochimique emploie environ 2000 personnes dans la province.

« Il est important pour la société de réduire notre dépendance à l'égard des énergies fossiles, mais il faut aussi être pragmatique et rationnel, dit M. Dorval. Les citoyens québécois utilisent encore le pétrole dans le transport et, deuxièmement, il y a beaucoup de produits qui se font avec des dérivés du pétrole. »

Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, fait valoir que l'oléoduc d'Enbridge est déjà construit - il est en service depuis les années 70 - et qu'il a déjà servi à expédier du brut de l'Ouest vers l'Est.

« Pour nous, ça devrait être une décision simple qui ne devrait pas soulever un énorme débat public et qui aurait dû se prendre rapidement », résume M. Leblanc.

Enbridge souhaite augmenter la capacité de l'oléoduc de 240 000 à 300 000 barils par jour. L'entreprise compte surtout acheminer du brut léger, mais prévoit aussi transporter du bitume dérivé des sables bitumineux.

Comme c'est le cas en Colombie-Britannique avec le projet Northern Gateway et aux États-Unis avec le projet Keystone XL, les écologistes se sont mobilisés contre l'inversion du pipeline d'Enbridge. Ils font valoir que le projet aura pour effet de favoriser l'expansion de l'industrie des sables bitumineux, un pétrole dont la production produit 17% plus de gaz à effet de serre que le brut conventionnel, selon un récent rapport de l'agence américaine de la protection de l'environnement (EPA).

Plusieurs municipalités situées le long du tracé ont exprimé des craintes que du pétrole dérivé des sables soit plus corrosif que du brut conventionnel, et donc plus susceptible de provoquer des fuites. La Ville de Montréal s'inquiète en outre qu'un déversement menace son approvisionnement en eau potable.

« On verra toujours l'expression des syndromes "pas dans ma cour" se refléter dans les questionnements au niveau local et municipal, et ce n'est pas nouveau, a indiqué M. Leblanc. C'est pour cela qu'il y a des gouvernements supérieurs qui prennent des décisions. »

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, a récemment pris position contre le projet Enbridge, bien qu'il reste favorable à l'expédition du pétrole de l'Ouest vers l'Est. Il soutient qu'il est devenu impossible d'établir les risques du projet, conséquences de la réforme du processus d'évaluation environnementale adoptée l'an dernier par le gouvernement Harper.

Les conservateurs ont maintes fois dénoncé cette prise de position du chef néo-démocrate, et n'ont pas manqué de le faire encore mercredi. Aux Communes, le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a rappelé que la société Valero, qui exploite la raffinerie de Lévis, a indiqué que l'établissement pourrait fermer si l'inversion du pipeline Enbridge ne va pas de l'avant.

« Le chef du NPD a déclaré publiquement qu'il s'oppose au renversement, a dit M. Oliver. Les néo-démocrates, dans leur lutte idéologique contre le secteur pétrolier et gazier, sont près de voir les 500 travailleurs syndiqués de la raffinerie perdre leur emploi. »