L'exploitation du pétrole non conventionnel en Amérique du Nord va créer une «onde de choc» pour le marché pétrolier mondial, comparable dans ses effets à la hausse de la demande chinoise pour l'or noir, a jugé mardi l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans un rapport.

«L'Amérique du Nord a déclenché une onde de choc qui se répercute dans le monde entier», a résumé la patronne de l'AIE Maria van der Hoeven, dans un communiqué présentant ce rapport semestriel sur l'évolution du marché pétrolier.

Selon elle, l'accroissement de l'offre pétrolière mondiale menée par l'Amérique du Nord, supérieure à l'augmentation de la demande, devrait «aider à calmer un marché pétrolier qui était relativement tendu depuis plusieurs années».

L'AIE prévoit ainsi que la capacité de production de pétrole brut planétaire augmentera de 8,3 millions de barils par jour (mbj) entre 2012 et 2018 pour atteindre 103 mbj, des projections globalement un peu plus élevées que dans son précédent rapport semestriel. Parallèlement, la demande devrait augmenter de 6,9 mbj, à 96,68 mbj.

Selon l'agence, qui émane de l'OCDE et défend les grands pays consommateurs d'énergie, la croissance des capacités de production proviendra pour 6 mbj de pays hors OPEP, et parmi ceux-ci, pour 3,9 mbj de l'Amérique du Nord.

Cela découle de l'essor de l'extraction des réserves non conventionnelles de brut aux États-Unis, comme le pétrole de schiste ou les réservoirs imperméables de pétrole léger exploités notamment dans le Dakota, et des sables bitumineux dans l'Ouest canadien. Leur production se développe spectaculairement depuis plusieurs années dans le sillage du gaz de schiste.

Cette montée en puissance du brut nord-américain va transformer le marché du pétrole dans les cinq prochaines années de façon aussi significative que la hausse de la demande chinoise d'or noir l'a été au cours des quinze dernières années, estime encore l'AIE.

Un dynamisme qui contraste avec les prévisions concernant l'OPEP. En effet, les capacités de production du cartel, qui pompe actuellement environ 35% du brut mondial, devraient augmenter moins fortement que ce que prévoyait l'agence en octobre, et stagner en fin de période, passant ainsi de 35,35 mbj cette année à 36,75 mbj en 2018.

Une conséquence, selon l'AIE, de «nouveaux obstacles» qui ont surgi en Afrique du Nord et au Moyen-Orient consécutivement au «Printemps arabe», et qui risquent de ralentir les investissements dans le secteur pétrolier.

En parallèle, l'agence a très légèrement diminué ses estimations pour la croissance de la consommation mondiale d'or noir dans les années qui viennent.

Elle estime désormais la demande planétaire à 90,58 millions de barils par jour cette année, soit 20.000 barils de moins qu'en octobre, et celle-ci devrait augmenter chaque année d'environ 1,1 mbj pour atteindre 96,68 mbj en 2018, soit une croissance annuelle moyenne de 1,2%.

Cette croissance de la demande restera soutenue avant tout par les besoins sans cesse grandissants des pays émergents et en développement. La consommation des pays hors OCDE devrait ainsi dépasser pour la première fois lors du trimestre en cours celle des membres de l'organisation, qui regroupe des économies «matures».

L'AIE souligne toutefois que la croissance de la demande chinoise va ralentir d'un cran en raison d'une évolution du modèle de développement du géant asiatique, ce qui sera compensé par d'autres zones, notamment l'Afrique dont la consommation est appelée à bondir.

Ces projections prolongent globalement les tendances déjà identifiées par l'AIE dans ses précédents rapports, et notamment dans sa grande étude annuelle sur le marché pétrolier, présentée en novembre dernier.

Elle y avait prédit que les États-Unis deviendraient le 1er producteur de brut de la planète vers 2017, dépassant les champions actuels, Russie et Arabie Saoudite, grâce aux hydrocarbures non conventionnels.