Même à Terre-Neuve, le projet hydroélectrique de Muskrat Falls est loin de faire l'unanimité.

Préoccupations soulevées par la présence de SNC-Lavalin, méfiance inspirée par Hydro-Québec, contestations judiciaires...

Les points de friction sont nombreux.

En voici un aperçu.

Le malaise SNC

Le contrat accordé au géant montréalais pour gérer la construction du projet - dont la valeur n'a pas été divulguée - a fait l'objet de plusieurs questions à la Chambre d'assemblée de Saint John's, à Terre-Neuve.

Tout récemment, un blogueur de la province a même relevé la présence de Riadh Ben Aïssa dans le registre des entreprises de la province comme étant l'un des deux administrateurs, jusqu'en 2008, d'une ancienne division de SNC à Terre-Neuve.

Le nom de l'ancien vice-président de la firme, aujourd'hui emprisonné en Suisse pour une affaire de corruption en Afrique du Nord, a aussi été évoqué dans le cadre de la commission Charbonneau.

Joint par La Presse, l'actuel responsable de SNC dans la province, Albert Williams, s'est dit surpris de la mention de M. Ben Aïssa dans ce registre et il a affirmé qu'il n'avait pas été impliqué dans les affaires terre-neuviennes.

«Ça fait 25 ans que je suis ici et nous n'avons jamais eu de relation avec Ben Aïssa, a-t-il dit. C'est une division totalement différente. Je n'ai aucune idée.»

Le ministre des Finances, Jerome Kennedy, a pour sa part indiqué qu'à sa connaissance, «l'individu en question n'a eu aucune implication avec Muskrat Falls».

L'ombre d'Hydro-Québec

Hydro-Québec est loin d'être populaire à Terre-Neuve. Le souvenir du contrat hydroélectrique de Churchill Falls, signé en 1969 et qui pourrait être en vigueur pendant encore près 30 ans, est bien vivant - et douloureux.

Or, voilà que l'ombre de la société d'État revient hanter les Terre-Neuviens, avec l'hypothèse d'une opposition à la diversion du potentiel hydroélectrique du fleuve Churchill.

Hypothétique, cette opposition pourrait stopper l'exploitation de Muskrat Falls et entraîner un gaspillage de fonds publics.

C'est ce qu'allègue, notamment, le blogueur et militant Brad Cabana dans une poursuite déposée devant les tribunaux de la province.

Cette crainte est partagée par d'autres, dont le groupe Vision 2041, qui s'oppose férocement au projet, car il le trouve inutile et trop coûteux.

Litiges et manifestations

Des Inuits du Labrador et les Innus de Mingan sont aussi fermement opposés au développement du Bas-Churchill. Les deux communautés dénoncent le fait qu'ils n'ont pas été consultés.

Les premiers multiplient les manifestations, qui ont déjà mené à des arrestations. Les seconds ont opté pour la voie judiciaire et ont intenté un recours il y a quelques mois.

Ces Innus ne sont pas les seuls à avoir emprunté la voie des tribunaux. En décembre, la Cour fédérale a rejeté une demande de révision judiciaire du processus d'approbation environnementale, déposée par des groupes environnementaux, dont le Sierra Club du Canada.

La Cour fédérale a aussi débouté les Innus de Mingan cette semaine. Ils ont 30 jours pour porter la cause en appel.

Le financement de l'ex-ministre Penashue

Ottawa n'est pas épargné par les controverses qui entourent Muskrat Falls. Il y a d'abord la grogne soulevée à Québec par l'annonce de la garantie de prêt accordée par le gouvernement Harper.

Des liens entre l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales Peter Penashue et des personnes engagées dans le projet ont aussi fait des vagues jusque dans la capitale fédérale.

M. Penashue a dû démissionner de son poste en mars, dans la foulée de révélations concernant des contributions illégales acceptées lors de sa victoire électorale à l'arraché, en 2011.

Or, l'ex-député de la circonscription de Labrador est un membre influent de la nation innue de ce territoire. C'est cette même communauté qui a conclu en 2008 le New Dawn Agreement, qui a ouvert la voie au développement hydroélectrique en échange de redevances. 



Des retombées au Québec

Le projet hydroélectrique de Muskrat Falls a déjà commencé à diriger son lot de retombées vers des entreprises établies au Québec.

Selon le site web de Nalcor, le maître d'oeuvre et donneur d'ouvrage, SNC-Lavalin, leur a accordé près du tiers de la trentaine de contrats annoncés depuis janvier 2012.

Leur valeur n'a pas été divulguée. Voici quelques-unes des ententes figurant dans la liste.

ABB (Saint-Laurent)

Batteries de condensateurs

Automatisation Grimard (Chicoutimi)

Centre de contrôle préfabriqué

MVA Power (Montréal)

Transformateurs auxiliaires

Andritz Hydro Canada (Pointe-Claire)

Turbines et générateurs

Seves Canada (Saint-Laurent)

Isolateurs

Fabrimet (Drummondville)

Fondations