Le projet hydroélectrique de Muskrat Falls profitera à tout le monde, y compris le Québec, affirme Ed Martin, président de la société d'État terre-neuvienne Nalcor Energy.

En entrevue à La Presse, M. Martin reconnaît que l'initiative controversée de plus de 7 milliards de dollars vise d'abord et avant tout à satisfaire aux besoins énergétiques croissants de Terre-Neuve-et-Labrador.

On estime qu'au moins 40% des 824 mégawatts qui seront produits par la centrale à partir de 2017 alimenteront la province, évalue le dirigeant. Et 20% serviront à alimenter la province voisine, la Nouvelle-Écosse.

Mais c'est tout l'est du Canada qui profitera des retombées, y compris les provinces comme le Québec et l'Ontario, a-t-il promis. «Un projet de cette nature profite à tout le monde, de l'Ontario jusqu'à Terre-Neuve.»

«La firme d'ingénierie est du Québec [NDLR: SNC-Lavalin], a ajouté le dirigeant. L'Ontario va fournir aussi des morceaux du casse-tête. Et les provinces atlantiques vont fournir les travailleurs.»

La centrale de Muskrat Falls produira de l'hydroélectricité à partir du fleuve Churchill dans l'est du Labrador. L'énergie serait acheminée par câble sous-marin vers Terre-Neuve, puis vers la Nouvelle-Écosse.

L'initiative est née du désir de l'ancien premier ministre terre-neuvien Dany Williams de contourner le Québec, devant ce qu'il percevait comme une attitude déloyale d'Hydro-Québec.

Dans les provinces atlantiques comme au Québec, les critiques pleuvent sur le projet et plusieurs de ses détracteurs croisent les doigts pour que la commission néo-écossaise chargée d'en évaluer la conformité aux règles de la province s'y oppose.

Confiant

Ed Martin se dit déterminé à aller de l'avant, avec ou sans la Nouvelle-Écosse. «Nous avons bon espoir que le projet va passer en Nouvelle-Écosse», a commencé par dire le président.

«Mais je suis un homme d'affaires, a-t-il poursuivi. Nous planifions en réfléchissant à toutes les éventualités. Nous avons approuvé ce projet en sachant que la demande d'énergie augmente à Terre-Neuve-et-Labrador.»

«Ce projet tient la route, ne serait-ce que pour satisfaire aux besoins énergétiques de Terre-Neuve et du Labrador», a-t-il conclu.

Il estime que la demande pour l'énergie hydroélectrique dans l'île augmentera considérablement au cours des prochaines années. «Dans l'intervalle, a-t-il précisé, nous pouvons en vendre à la Nouvelle-Angleterre, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et à la Nouvelle-Écosse.»

Une première

Le président s'est par ailleurs réjoui du fait que Muskrat Falls ferait en sorte que, «pour la première fois de l'histoire», la province sera «branchée à la terre ferme».

«Selon moi, c'est l'aspect le plus important de ce projet, a-t-il dit. On peut dire que c'est comme lorsqu'on a construit le pont de la Confédération pour lier l'Île-du-Prince-Édouard au reste du pays.»

Il a en outre loué l'entente conclue avec les Innus, le New Dawn Agreement, finalisée en 2008 et signée en 2011.

Cet accord prévoit le partage des profits du projet et la participation à sa construction, de même que le règlement de revendications territoriales et des compensations pour un autre projet hydroélectrique, celui de Churchill Falls il y a 45 ans.

«La nation innue du Labrador est notre partenaire autochtone, a expliqué Ed Martin. Ils avaient le choix d'avoir une part des actions ou de toucher des redevances. Ils ont opté pour les redevances.»

Le projet avance

La première phase du projet va déjà bon train, estime le président de Nalcor Energy.

La route qui mène au lieu est praticable; les travaux d'excavation du réservoir ont commencé; un campement de 250 travailleurs a été installé; et la première coulée de ciment devrait être faite d'ici la fin de l'année.

Les deux câbles sous-marins devraient eux aussi commencer à être allongés d'ici la fin de 2013.

«Nous avons amplement le temps de faire tout cela en quatre ans», affirme Ed Martin.

Quelques dates

Septembre 2008

La province annonce la conclusion d'une entente avec les Innus du Labrador (New Dawn Agreement), ce qui ouvre la voie au développement du Bas-Churchill.

Décembre 2010

Nalcor Energy annonce le choix de SNC-Lavalin pour superviser la construction et le volet génie du projet Muskrat Falls. Le contrat et sa valeur n'ont pas été rendus publics.

Mars 2011

En campagne électorale, le premier ministre Stephen Harper promet une aide financière pour le développement du potentiel hydroélectrique du Bas-Churchill.

Décembre 2012

Les fonds nécessaires sont accordés par l'Assemblée législative de la province pour démarrer le projet, au terme d'un marathon législatif critiqué par l'opposition à Saint John's.

2017

Date prévue pour la première transmission d'hydroélectricité de Muskrat Falls.

Le Bas-Churchill en chiffres

2: la construction de deux centrales est envisagée sur le fleuve Churchill: Muskrat Falls (maintenant) et Gull Island (éventuellement). Il y a aussi deux câbles sous-marins qui transmettront de l'électricité du Labrador jusqu'à Terre-Neuve, puis de Terre-Neuve à la Nouvelle-Écosse.

2200: le nombre d'emplois que la construction du projet devrait créer, selon le président de Nalcor Energy, Ed Martin.

260: le nombre de travailleurs actuellement sur les lieux.

7,6 milliards: le coût du projet. Il avait d'abord été évalué à 6,2 milliards. Certains s'attendent à ce qu'il augmente davantage.

824 mégawatts: la capacité prévue de Muskrat Falls.

500 mégawatts: la capacité de transmission du câble sous-marin de 180 km reliant Terre-Neuve à la Nouvelle-Écosse. Celle du câble entre le Labrador et Terre-Neuve est de 900 mégawatts.