Après 18 mois de pourparlers avec l'Office national de l'énergie (ONE), la société Enbridge doit faire part d'ici quelques jours de son plan visant à améliorer la sécurité de son réseau de pipelines.

L'entreprise de Calgary doit en effet ajouter de l'équipement dans 117 de ses 125 stations de pompage d'un bout à l'autre du pays.

Ces stations de pompage, dont une est située à Terrebonne, sur la ligne 9, ont été jugées non conformes à la réglementation par l'ONE.

Selon l'organisme fédéral, il manque deux éléments importants permettant d'intervenir en cas de rupture du pipeline: un bouton d'interruption d'urgence et une source d'énergie de secours indépendante.

Ces travaux devaient à l'origine être terminés en octobre 2012, mais Enbridge a demandé un délai supplémentaire, compte tenu de la «complexité et de l'ampleur du système et [des] implications potentielles que l'installation d'un grand nombre de ces appareils électriques pourrait avoir sur les stations de pompage».

Cependant, une autre raison pousserait Enbridge à ne pas faire ces travaux rapidement. En raison du projet de l'entreprise d'inverser le flux de la ligne 9 entre Sarnia et Montréal, certaines stations ne seront plus requises.

Station de Terrebonne

«Avec le renversement de la ligne 9, la station de Terrebonne sera démantelée, dit Éric Prud'Homme, chef des affaires publiques pour l'est du Canada chez Enbridge. C'est certain que la station de Terrebonne ne sera pas priorisée si le renversement est autorisé.»

Dans l'intervalle, cependant, la ligne 9 continue à être exploitée en direction ouest, précise-t-il.

L'entreprise n'a pas voulu préciser combien coûteraient les travaux visant à se conformer à la réglementation.

Selon l'ONE, l'ajout d'un bouton local d'interruption «offre un degré additionnel de sécurité en permettant au personnel local de fermer la station de pompage à la source» avec les valves hydrauliques. «Actuellement, ces valves doivent être fermées manuellement», précise l'ONE en réponse aux questions de La Presse.

Le système principal de contrôle des stations de pompage est centralisé à Calgary. Cependant, ce centre, appelé SCADA (pour système d'acquisition et de contrôle des données), a fait défaut en 2010 lors d'une importante rupture survenue sur un autre pipeline d'Enbridge, non loin de Kalamazoo, au Michigan (voir autre texte).

L'ajout de génératrices dans chaque station de pompage a le même objectif, soit permettre des interventions localement, explique l'ONE. «Les stations ont déjà une forme de source d'énergie alternative (habituellement des batteries) qui alimente les appareils de surveillance, précise l'ONE. Mais en général, ces sources d'énergie sont insuffisantes pour actionner les valves.»

Enbridge assure qu'elle «sera conforme aux règlements ou ordonnances émises par l'ONE comme une entreprise responsable et dans l'intérêt de la sécurité publique et l'exploitation sécuritaire» de son système.

Ces assurances ne convainquent pas Patrick Bonin, de Greenpeace. «On est devant un organisme réglementaire qui a été blâmé dans le passé pour le laxisme de son suivi par le Vérificateur général, et devant une entreprise qui a été qualifiée comme ayant une «culture de déviance» par les autorités américaines, dit-il. Ce sont les éléments de base pour un cocktail explosif.»

«Ils disent que tout est sous contrôle, alors que c'est évident que ce n'est pas le cas. On a toutes les conditions pour avoir un Kalamazoo au Québec. Et ce ne sont pas les modifications aux lois environnementales et les coupes dans la fonction publique qui sont de nature à nous rassurer.»

La catastrophe de Kalamazoo

Un pipeline d'Enbridge transportant du bitume dilué en provenance de l'Alberta a causé une des pires catastrophes environnementales des dernières décennies aux États-Unis.

Le 25 juillet 2010, alors que tous les regards étaient encore tournés vers la marée noire du golfe du Mexique, la ligne 6B d'Enbridge, qui relie Sarnia, en Ontario, à Griffith, au sud de Chicago, s'est rompue.

Environ 20 000 barils de bitume dilué se sont échappés, polluant la rivière Kalamazoo, au Michigan, une source d'eau potable qui se jette dans le lac Michigan.

Même si les normes d'exploitation du pipeline prévoyaient que les valves pouvaient être fermées en huit minutes seulement, il s'est écoulé 17 heures avant que la centrale d'Enbridge, en Alberta, n'intervienne. Résultat: le nettoyage a déjà coûté plus de 1 milliard.

Et les opérations ont été compliquées par le fait que le bitume dilué, contrairement au pétrole léger, peut couler au fond de l'eau, ce qui rend inefficaces les techniques habituelles de récupération de pétrole.

La ligne 6B, d'une capacité de 727 000 barils par jour, a été installée en 1969.

Avant sa rupture, Enbridge s'était prévalu de son droit de l'exploiter à une pression inférieure, en attendant de décider si elle devait être réparée ou remplacée.