La volatilité et la transformation du marché du fer continuent d'atténuer l'euphorie minière sur la Côte-Nord. Après qu'ArcelorMittal, Cliffs et Rio Tinto eurent tour à tour freiné leur expansion, l'arrêt indéfini de la production à l'usine de bouletage de Cliffs, à Sept-Îles, rappelle que les boulettes de fer ne sont plus le produit de prédilection.

Lundi soir, Cliffs a annoncé la suspension des opérations de bouletage à Sept-Îles à partir de la fin du deuxième trimestre. Environ 165 employés travaillent à cette usine en fonction depuis 1965. La société a justifié sa décision par les coûts de production trop élevés et une baisse du prix de la boulette de fer. Les activités canadiennes de Cliffs sont déficitaires, la société américaine est fortement endettée et elle dit adopter «une approche disciplinée en matière de réduction de coûts».

Cliffs ne produira donc que du concentré de fer à partir de ses deux mines canadiennes, celles de Wabush, au Labrador, et Lac Bloom, près de Fermont. Les nouvelles mines entrées en production récemment dans la Fosse du Labrador (Lac Bloom, Labrador Iron Mines, et bientôt le projet DSO de New Millennium) produisent aussi du concentré, et non des boulettes.

ArcelorMittal Mines Canada (AMMC), qui devait construire une usine de bouletage à Port-Cartier, a mis ce projet de 900 millions sur la glace en raison des conditions du marché. Le projet n'est pas mort, mais ne devrait pas être relancé à court terme.

Une prime en baisse

Traditionnellement, il y avait toujours une prime qui gardait le prix de la boulette de fer plus élevé que celui du concentré. Or, cette prime s'est rétrécie jusqu'à ne plus couvrir les coûts de production de l'usine de Sept-Îles, a expliqué à La Presse Affaires le directeur général, Steeve Charest.

Récemment, le géant brésilien Vale a conclu des contrats de vente avec des primes de 28$ US par tonne pour les boulettes. Ces primes variaient de 40 à 50$ il y a tout juste deux ans.

Par rapport au concentré de fer, les boulettes sont plus cycliques, observe l'analyste Tony Robson, de BMO Marchés des capitaux.

«Les aciéries propulsent la demande pour les produits de fer, rappelle-t-il dans un courriel à La Presse Affaires. Quand la demande pour l'acier est faible, les aciéristes cherchent à réduire les coûts des entrants. Comme les boulettes sont la forme de fer la plus chère, ils réduisent la demande de boulettes».

Au Canada, IOC produit toujours des boulettes. ArcelorMittal en produit également 9,5 millions de tonnes à son usine de Port-Cartier. Ce sont les clients nord-américains qui soutiennent cette production, car ils fonctionnent à peu près tous avec des boulettes, soutient le directeur des communications d'AMMC, Éric Tétrault.

Pour qu'une deuxième usine soit construite, il faudrait par contre que la production d'acier européenne reprenne du rythme, note M. Tétrault.

La Chine importe de plus en plus de boulettes, mais la Chine est très loin de la Côte-Nord, remarque Tony Robson.

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CONNAISSEZ-VOUS LA BOULETTE DE FER?

Le concentré de fer est une poudre grisâtre qui contient autour de 60% de fer. Ce concentré peut être aggloméré en boulettes, qui sont d'un diamètre de 10 à 20 millimètres. Les aciéristes ont avantage à utiliser des boulettes, malgré le prix plus élevé, parce qu'elles permettent d'utiliser moins d'énergie dans les hauts fourneaux. Les boulettes, au lieu du concentré compact, offrent une meilleure circulation d'air et donc une augmentation plus facile de la température. Les boulettes contiennent du concentré de fer, quelques additifs, et dans certains cas un produit de charbon qui facilite leur combustion. En 2010, la production de boulettes représentait 21% de la production globale de fer, d'après le Engineering and Mining Journal.