La bataille entre les défenseurs de l'exploration d'uranium sur la Côte-Nord et les opposants se transporte au grand écran. Un film à ce sujet sera présenté en première au Festival du film de Sept-Îles dans deux semaines, a appris La Presse Affaires.

Le documentaire Uranium P.Q., de Stanley Brown, suit pendant deux ans les acteurs du débat qui a divisé la Minganie, en Basse-Côte-Nord, pour savoir si la société d'exploration Uracan devait poursuivre ses travaux d'exploration d'uranium. Avec Sept-Îles et Mistissini, c'était là l'un des trois théâtres d'affrontement sur l'uranium au Québec.

«C'est un film sur la difficulté de prendre position», résume Stanley Brown, en entretien avec La Presse Affaires. Le mot «uranium» frappe l'imaginaire et le débat est souvent émotif. L'attrait du développement économique dans une région isolée trouve son contrepoids dans les inquiétudes sur la sauvegarde de l'environnement et de la qualité de vie.

Sans narrateur, le film ne prend pas position et montre plutôt les stratégies des deux parties, soucieuses de gagner la bataille de l'opinion publique. D'un côté, la société Uracan et Yvan Loubier, conseiller au cabinet de relations publiques National et porte-parole d'Uracan au moment du tournage, entre juillet 2010 et avril 2012. De l'autre, les opposants menés par Marc Fafard, militant derrière le mouvement Sept-Îles sans uranium et organisateur de plusieurs coups d'éclat médiatiques.

Le débat est tendu et se transporte dans les séances d'information publiques - où un professeur d'université est visiblement ébranlé après avoir fait face à une salle hostile - ou à l'Assemblée nationale. Même à l'aréna, où un opposant à l'uranium interpelle un bénévole de l'association de ringuette de Havre-Saint-Pierre parce qu'il a accepté une commandite d'Uracan pour les nouveaux chandails des joueuses.

«Est-ce que c'est le contenu ou la stratégie qui est le plus important? demande aujourd'hui Stanley Brown. Il y a de gros lobbyistes des deux bords. Ce sont toujours les mêmes intervenants.»

Municipalités sans ressources

Devant la venue d'Uracan, les municipalités de Minganie ont toutes voté des résolutions anti-uranium. De son côté, le chef des Innus de Natashquan dit encore chercher une information qui ne viendra ni de l'entreprise ni des opposants, pour que sa communauté puisse se faire une idée juste sur cette avenue de développement.

Sans grandes ressources, les autorités locales sont «parfois un peu démunies et un peu déroutées» devant ce débat, note Stanley Brown. Dans ce contexte, il voit d'un bon oeil la tenue d'une évaluation environnementale stratégique sur l'uranium, une idée lancée par le gouvernement péquiste. «Ça prend une instance comme celle-là qui a accès à des études, des spécialistes», souligne M. Brown.

Le film sera présenté à Sept-Îles le 23 janvier. M. Brown ajoute que Radio-Canada a acheté le film pour diffusion ultérieure.

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UNE FILIÈRE EN SURSIS

Le développement de la filière de l'uranium est sur la glace au Québec. Uracan, sans le sou et faisant face à un barrage d'opposition, a quitté la Minganie. Ressources Strateco, qui développe le principal projet dans les monts Otish, attend une décision favorable du gouvernement provincial pour aller de l'avant. Dans un contexte global difficile pour le financement des sociétés d'exploration et devant l'incertitude sur la filière uranifère, Ressources Abitex ne réussit pas à attirer d'investisseurs pour son projet Lavoie, aussi dans les monts Otish.