La Régie de l'énergie sert-elle encore à quelque chose? La question s'est posée vendredi dès le premier jour des audiences publiques sur la hausse de tarifs d'Hydro-Québec, un processus que le gouvernement veut court-circuiter pour augmenter les revenus qu'il tire de sa société d'État.

En fixant lui-même dans le budget le montant des frais d'exploitation qu'Hydro-Québec soumet à la Régie, le gouvernement prive l'organisme du principal pouvoir qu'elle peut exercer pour fixer les tarifs d'électricité, ont déploré les participants, tant du côté résidentiel qu'industriel.

«Ça n'appartient pas au gouvernement de fixer ça», a plaidé l'avocate de l'Union des consommateurs, Hélène Sicard, qui a souligné que cette façon de faire pourrait être contestée avec succès en cour.

Les audiences publiques, qui devaient commencer mercredi, ont été reportées à vendredi par la Régie, pour laisser au conseil des ministres le temps d'adopter un décret enjoignant la Régie à prendre en compte la commande adressée à Hydro-Québec pour l'aider à éliminer le déficit. Le budget exige un régime minceur chez Hydro-Québec et une réduction d'effectif de  2000 personnes.

Indépendance

Ce n'est ni un budget ni un décret qui peuvent entraver les pouvoirs de la Régie de l'énergie, a expliqué Me Sicard. La Régie de l'énergie est un organisme indépendant créé par une loi adoptée en 1998, justement pour soustraire la fixation des tarifs d'électricité au bon vouloir du gouvernement, a-t-elle fait valoir.

«La situation est très dangereuse pour l'indépendance de la Régie», a renchéri Me Franklin Gertler, qui représente le Regroupement des organismes environnementaux en énergie.

Le processus de fixation des tarifs d'électricité est déjà très critiqué, et il ne gagnera pas en crédibilité avec ce nouvel épisode. Seulement deux divisions d'Hydro-Québec, Distribution et Transport, sont soumises à l'examen de la Régie.

La division Production, d'où provient la plus grande partie des profits de la société d'État, ne rend de comptes à personne.

«Avec la Régie, on voulait empêcher que le gouvernement se serve d'Hydro-Québec selon son bon vouloir et son calendrier électoral. Là, on s'éloigne encore de ce principe-là», a déploré l'analyste des questions énergétiques de l'Union des consommateurs, Marc-Olivier Moisan.

Hausse de 2,9%, au moins

Hydro-Québec a déposé au mois de juillet dernier une demande d'augmentation de ses tarifs pour 2013 de 2,9%, qui a été étudiée par les intervenants en prévision des audiences publiques qui ont commencé hier.

Les coûts d'exploitation sont la principale variable sur laquelle la Régie peut se baser pour établir les tarifs d'électricité. Ces coûts sont appelés à baisser à mesure qu'Hydro fera des efforts pour réduire ses dépenses et ses effectifs, comme le gouvernement l'exige, ce qui aurait normalement pour effet de faire baisser les tarifs d'électricité.

Le dernier budget fixe les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec à 1,46 milliard de dollars, soit 30 millions de plus que dans la demande initiale d'Hydro.

Québec demande surtout à la Régie de ne pas poser de questions sur ce chiffre comme elle le fait normalement, ce qui signifie que les tarifs ont toutes les chances d'augmenter de plus que 2,9%. En agissant ainsi, le gouvernement s'assure que les profits d'Hydro - et son dividende - vont continuer d'augmenter, mais il s'expose aussi à une contestation judiciaire pour entrave aux pouvoirs de la Régie.

La Régie est également devant un choix difficile. Soit elle se rend aux arguments des intervenants et continue son travail comme si de rien n'était, soit elle accepte les directives du gouvernement et fait ainsi la preuve de son inutilité. C'est à suivre.

Les coûts d'Hydro-Québec Distribution

5,3 milliards (48%)

1,4 milliard (13%)

986 millions (9%)

643 millions (6%)