L'Alberta lance une opération de charme pour convaincre Québec de laisser passer l'oléoduc du projet Enbridge sur son territoire.

Tout juste avant le début de la rencontre du Conseil de la fédération jeudi à Halifax, Pauline Marois annonçait avec son homologue albertaine, Alison Redford, la mise sur pied d'un «groupe de travail» pour étudier le projet. C'est la première ministre Redford qui avait demandé la rencontre, qui a duré 30 minutes. Pendant ce temps au Québec, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, rencontrait son homologue québécoise, Martine Ouellet pour discuter entre autres de ce projet.

«Nous pensons qu'il faut d'abord se constituer un groupe de travail qui va nous permettre de faire le point et partager des expertises», a annoncé la première ministre Marois. Ce groupe de travail sera composé de fonctionnaires québécois et albertains. Ils examineront le volet économique, environnemental et technique du projet. «Ils nous indiqueront l'agenda à suivre si nous décidons de poursuivre», a ajouté Mme Marois.

À ses côtés, Mme Redford affichait un optimisme prudent. «Ce qui est vraiment important aujourd'hui, c'est qu'on a reconnu qu'il pourrait y avoir des opportunités. On ne conclut pas ce qu'elles seront, mais nous partagerons des informations très importantes. C'est merveilleux qu'on réfléchisse ensemble», a-t-elle déclaré en anglais. En français, elle a assuré avoir eu une «très bonne discussion».

Il s'agissait de leur première rencontre. Mme Marois a déjà accepté de la visiter l'année prochaine en Alberta.

Le projet inverserait le flux de l'oléoduc entre Sarnia, en Ontario, et Montréal. L'oléoduc, propriété de la société albertaine Enbridge, pourrait transporter du pétrole lourd des sables bitumineux. Il contient des matériaux abrasifs. Des environnementalistes craignent que cela n'endommage les oléoducs, qui n'ont pas été conçus pour cela, et provoque un désastre comme celui à la rivière Kalamazoo au Michigan. Le ministre du Développement durable, Daniel Breton, a déjà annoncé que Québec ferait ses propres évaluations environnementales. L'Office national d'énergie se penche aussi sur le projet. Le gouvernement fédéral a déjà indiqué qu'il ne s'estimerait pas lié par l'évaluation de Québec.

À Ottawa, les libéraux et les néo-démocrates appuient le projet, à condition qu'il se fasse dans le respect de l'environnement.

Il y aurait des avantages économiques, a reconnu Mme Marois. Elle a mentionné la création d'emplois dans l'industrie pétrochimique. Le pétrole serait traité à la raffinerie Suncor de Montréal-Est. On l'entreposerait aussi dans les réservoirs d'Ultramar dans le même secteur, pour le raffiner ensuite à Lévis.

Un record de cinq premières ministres participent au Conseil de la fédération, un organisme créé en 2003 qui réunit les premiers ministres des provinces et territoires canadiens. Outre Mme Redford et Marois, des femmes dirigent la Colombie-Britannique, Terre-Neuve et le Nunavut.

La rencontre se termine vendredi. Elle porte sur l'économie. Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, y fera une présentation à huis clos.

Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a décliné l'invitation des provinces de se rendre à Halifax pour parler d'économie. Mme Marois a jugé cela «étonnant et décevant». En 2009, elle réclamait l'abolition du Conseil de la fédération. Mais elle a changé d'idée depuis. Elle dit maintenant refuser la « politique de la chaise vide ».

Le libéral Pierre Moreau, ancien ministre des Affaires intergouvernementales, s'est dit content de voir que Mme Marois n'avait pas «la même agressivité contre le pétrole albertain» que le ministre Breton. «On espère que le gouvernement aura une approche constructive. Mme Marois doit défendre les intérêts de tous les Québécois, pas faire la promotion de la souveraineté. Elle doit comprendre le mandat qu'elle a reçu», dit le candidat à la chefferie du Parti libéral.