La première mine québécoise entièrement sous contrôle chinois entrera en production en décembre. Et c'est en Finlande, et non en Chine, qu'elle expédiera son concentré de nickel.

D'abord développé par une société junior québécoise, mais rachetée par le groupe chinois Jilin Jien Nickel après la crise financière, le projet Nunavik Nickel, de Canadian Royalties, deviendra la deuxième mine de l'extrême Nord du Québec, après Raglan (Xstrata).

Un second quai d'expédition a été installé par Canadian Royalties à Baie-Déception, à l'est de la communauté inuite de Salluit et à 120 kilomètres au nord de la mine. Le nickel de Raglan est chargé à Baie-Déception depuis 15 ans sur un brise-glace du groupe montréalais Fednav.

Après plusieurs rebondissements, le nickel de Canadian Royalties prendra la mer l'été prochain. Fednav vient d'ailleurs de commander un nouveau navire pour expédier le concentré de Canadian Royalties à son seul client, une fonderie finlandaise de Norilsk Nickel.

À la réception du siège social de Canadian Royalties, à Montréal, les signes chinois côtoient notre alphabet dans l'identification du nom de la société.

L'équipe de direction qui accueille LaPresse, par contre, est canadienne. Le président et chef des opérations John Caldbick, arrivé de Vancouver il y a un an, souhaite la bienvenue en français, une langue seconde qu'il maîtrise de mieux en mieux.

«Tous les gens qui travaillent pour nous sont d'ici, souligne-t-il. Les Chinois sont propriétaires, mais nous avons carte blanche.»

Canadian Royalties était une société québécoise cotée en Bourse quand elle a lancé la construction de Nunavik Nickel en 2007. «L'entreprise avait commencé les fondations des bâtiments et la construction des routes et des camps, mais elle a dû arrêter les travaux pendant la crise, faute de financement», explique Gail Amyot, vice-présidente Environnement et Santé-Sécurité de Canadian Royalties. Jilin Jien Nickel a racheté la société avec un partenaire à l'automne 2009, avant d'en prendre le contrôle entier au début de 2012.

Les défis du Nord

La construction a repris en 2010 et arrive à sa fin, au prix d'un investissement de 735 millions. L'usine de traitement, à 20 kilomètres au sud de Raglan, est presque prête à traiter le minerai de deux gisements de nickel - trois autres gisements seront exploités plus tard.

Mais le Nord ne se laisse pas domestiquer facilement. Tout coûte plus de deux fois plus cher, estime John Caldbick. «À -40 ou -50 degrés, le fer devient cassant et le métal de la machinerie et de l'équipement se brise facilement», note M. Caldbick. Et en cas de bris, «le Canadian Tire n'est pas au coin de la rue», ajoute Gail Amyot.

Dans sa planification, la société doit inclure des jours d'interruption à cause des inévitables blizzards qui balaient la région. Il a fallu construire un barrage sur un lac situé tout près pour faire augmenter son niveau d'un mètre et ainsi s'assurer une réserve d'eau non gelée pendant l'hiver. Le service maritime doit cesser entre la mi-mars et la mi-juin, en raison de la présence de bélugas, entre autres.

À l'été 2011, la jetée qui s'avançait dans la baie Déception a cédé sous le poids de la pierre pendant la construction. Elle était bâtie sur une couche d'argile. Canadian Royalties a dû changer ses plans et choisir l'option du quai flottant, temporaire pour l'instant, mais éventuellement permanent.

Pénurie de main-d'oeuvre

Aux problèmes du Nord s'ajoutent les problèmes de main-d'oeuvre. Le syndicat FTQ-Construction a dénoncé Canadian Royalties en mars dernier parce qu'elle embauche des travailleurs du Nouveau-Brunswick, qui voyagent depuis Miramichi par un vol nolisé.

«Il y a quelques dizaines de travailleurs du Nouveau-Brunswick, confirme M. Caldbick. Nous avons une préférence pour les Québécois, mais il y a une pénurie de main-d'oeuvre, se défend-il. Il est difficile de trouver des gens, mais c'est une situation répandue dans toute l'industrie minière.»

Canadian Royalties entend aussi privilégier l'embauche d'Inuits, mais il lui est difficile d'atteindre ses objectifs en ce sens en raison du manque de formation technique des autochtones, pour l'instant. La société affirme former beaucoup d'Inuits et s'engage à en former davantage, d'autant plus qu'ils ont «une connaissance du territoire et du milieu physique qui peut compenser le manque de connaissances techniques». La société dit sentir beaucoup d'initiative et de volonté de la part des Inuits.

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NUNAVIK NICKEL EN CHIFFRES

> Investissement initial: 735 millions de dollars

> Objectif de production de concentré: 150 000 tonnes/an

> Minerai traité par jour: 4500 tonnes (au sommet de la production)

> Employés de Canadian Royalties: 400 (pendant la production)

> Teneur en nickel du minerai: 1% (approximatif)