La ministre québécoise des Ressources naturelles, Martine Ouellet, veut connaître le contenu d'une entente secrète sur l'exploration pétrolière à l'île d'Anticosti.

Mme Ouellet a déclaré à La Presse Canadienne qu'elle n'avait pas encore sollicité Hydro-Québec concernant ce document, qui décrit les conditions et la valeur d'une transaction avec une entreprise pétrolière.

En 2008, la société d'État a vendu à l'entreprise Pétrolia ses permis d'exploration de pétrole et de gaz dans l'île d'Anticosti, dans le golfe du Saint-Laurent.

L'ancienne ministre libérale des Ressources naturelles Nathalie Normandeau avait voulu diffuser, en 2011, le contenu du document consacrant la transaction.

Mais Pétrolia avait opposé un refus catégorique, faisant valoir les clauses de confidentialité prévues lors de la vente des permis.

Alors dans l'opposition, le Parti québécois avait exigé la divulgation du contenu de l'entente, mais dans une entrevue, Mme Ouellet a expliqué qu'elle devait d'abord prendre connaissance du document, qui n'a pas été transmis, selon elle, au ministère des Ressources naturelles.

«Je souhaite prendre connaissance de l'entente et quand j'aurai pris connaissance du détail de l'entente et en particulier de la clause de confidentialité, ça me permettra de répondre si c'est possible ou non de rendre cette entente publique», a-t-elle dit.

Interrogée à ce sujet, Hydro-Québec a refusé de commenter le dossier, se retranchant derrière son devoir de réserve.

«Hydro-Québec ne commente pas les échanges qu'elle a avec le gouvernement», a écrit l'attachée de presse Marie-Élaine Deveault dans un courriel.

Pétrolia a pour sa part maintenu son souhait de préserver la confidentialité du document scellant la transaction, qui prévoirait une redevance prioritaire à Hydro-Québec, une information non confirmée.

Un conseiller à la direction de l'entreprise, André Rivest, a déclaré que la diffusion publique d'informations pourrait nuire aux pourparlers avec des partenaires potentiels.

«Pour l'instant, on est en discussion avec des partenaires», a-t-il dit. «On ne voit pas la pertinence à ce moment-ci de discuter de ces questions-là et de dévier l'attention de ce qui nous occupe, qui est de faire la démonstration qu'il y a une ressource qu'on peut exploiter. Alors on souhaiterait s'en tenir à ça.»

Des études indiquent que le sous-sol d'Anticosti pourrait contenir des milliards de barils pétrole de schiste, mais aucune réserve prouvée n'a encore été officiellement confirmée, a déclaré vendredi Sylvain Archambault, coporte-parole de Coalition Saint-Laurent, un regroupement écologiste qui réclame un moratoire sur les hydrocarbures dans le golfe.

M. Archambault croit cependant qu'il est d'intérêt public de connaître les conditions de vente des 35 permis, qui sont détenus par Pétrolia et un partenaire, Corridor Resources, qui partageait à l'origine ces titres avec Hydro-Québec.

«Au niveau économique, à mon avis, Hydro-Québec a fait une bonne affaire», a-t-il dit. «Mais c'est une entente secrète et on n'aime pas ça, les affaires secrètes. Ce serait important que ce soit mis sur la place publique: combien ça a été payé, quelle est la ristourne d'Hydro-Québec.»

Par ailleurs, M. Archambault, un biologiste, entretient certains doutes quant à la possibilité que le pétrole d'Anticosti puisse être exploité.

«C'est beaucoup, beaucoup de vent», a-t-il dit. «Il y a du pétrole, mais il est incrusté dans la roche et on n'a pas démontré qu'il serait techniquement exploitable, encore moins économiquement exploitable.»

Mme Ouellet est d'avis qu'une évaluation environnementale sera nécessaire concernant le pétrole d'Anticosti, une des options évoquées par la ministre étant un examen général par le Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE).

«Il semble, mais ce n'est pas encore confirmé, qu'effectivement il y a de grandes chances que ce soit du pétrole de schiste», a-t-elle dit. «Une avenue qu'on a suggérée, mais qui sera à examiner avec mon collègue ministre de l'Environnement (Daniel Breton), était la tenue d'un BAPE générique.»

Du même souffle, Mme Ouellet a voulu rappeler l'ouverture de son gouvernement envers la filière pétrolière.

«Nous, ce qu'on a dit, c'est qu'on est très ouvert à l'exploitation du pétrole, mais pas n'importe comment», a-t-elle dit. «Et dans tous les cas, ça prend des études d'impact qui vont nous confirmer les retombées économiques collectives, les impacts sociaux ainsi que les impacts environnementaux.»

M. Rivest, dont l'entreprise n'a pas encore décidé si la fracturation hydraulique serait utilisée à Anticosti, ne s'est pas montré inquiet par l'arrivée d'un nouveau gouvernement.

«On n'a pas le choix, il faut vivre avec le gouvernement qui est en place», a-t-il dit. «Inquiet? Pas vraiment.»

À la Bourse de Toronto, vendredi, l'action de Pétrolia a clôturé à 1,16 $, en baisse de 0,01 $, loin du sommet de 2,55 $ atteint en juillet 2011.