Dans ce qui pourrait devenir la plus importante prise de contrôle outre-mer par une entreprise d'État chinoise, CNOOC offre 15,1 milliards de dollars US pour acheter la pétrolière canadienne Nexen (T.NXY). Ottawa devra toutefois déterminer si la transaction est à «l'avantage net» du Canada avant de donner sa bénédiction.

CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) promet un montant de 27,50$US pour chaque action de Nexen (NXY à Toronto et New York), une prime de 61% par rapport à la clôture du titre vendredi dernier. Le conseil d'administration de Nexen appuie la transaction.

«Cela démontre à quel point les Chinois ont soif et montre ce qu'ils voient en termes de progression des prix du pétrole, observe Louis Hébert, professeur en gestion stratégique à HEC Montréal. Quand tu es prêt à payer une prime de 60%, c'est que tu veux vraiment conclure la transaction.»

La transaction portera les investissements chinois dans le pétrole canadien à 49 milliards US à ce jour, selon une recension de Bloomberg.

CNOOC, une des grandes firmes pétrolières d'État chinoises, est devenue partenaire de Nexen dans le projet albertain Long Lake après avoir acheté l'an dernier la canadienne Opti Canada pour 2,1 milliards US. Elle travaille également avec Nexen dans le golfe du Mexique. Avec l'achat de Nexen, elle gagne une place dans l'exploitation du pétrole de la mer du Nord et bonifie sa présence en Afrique.

Nexen, établie à Calgary, est active dans l'ouest du pays, notamment dans les sables bitumineux, mais la bonne majorité de ses revenus provient du Mexique, de la mer du Nord et de l'Afrique. La société a toutefois connu des difficultés opérationnelles sur plusieurs théâtres dans les dernières années, notamment à Long Lake. Ses profits ont chuté de 50% au deuxième trimestre en raison des insuccès dans le golfe du Mexique. Son titre avait reculé de 60% depuis juin 2008 jusqu'à l'annonce de la transaction. Il a rebondi de 52,4% hier, à 26,35$.

En conférence téléphonique avec les analystes, le président et chef de la direction de Nexen, Kevin Reinhart, a indiqué que «CNOOC a les ressources pour nous aider à faire avancer nos projets à un rythme plus rapide que ce que nous aurions pu atteindre en restant indépendants».

Le ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, a confirmé hier qu'Ottawa allait étudier la transaction en vertu de la loi sur Investissement Canada. Comme dans le cas de l'offre hostile de BHP Billiton pour PotashCorp, en 2010, le gouvernement doit déterminer si la transaction est à «l'avantage net» du pays. En 2005, CNOOC avait été échaudée après que les États-Unis eurent bloqué sa tentative de prise de contrôle d'Unocal pour 19 milliards US.

CNOOC a énoncé des engagements qui, d'après elle, confirment l'avantage de la transaction pour le Canada. Elle gardera en place l'équipe de direction de Nexen et ses employés et inscrira ses actions à la Bourse de Toronto. Calgary deviendra le siège de toutes les activités de CNOOC en Amérique du Nord et en Amérique centrale. La société chinoise entend également poursuivre et bonifier le programme d'investissements de Nexen, entre autres au Canada.

Le porte-parole officiel du Nouveau Parti démocratique en matière de ressources naturelles, Peter Julian, a quant à lui demandé la tenue d'audiences parlementaires sur la transaction. Il a aussi exigé qu'Ottawa clarifie les critères d'approbation des investissements étrangers, comme le gouvernement l'avait annoncé après le rejet de la prise de contrôle de PotashCorp.

Le PDG de Nexen, Kevin Reinhart, a indiqué que les partenaires ont effectué «des appels téléphoniques initiaux» au gouvernement, mais qu'il est prématuré de parler de la réaction d'Ottawa.

Cette transaction suit de quelques semaines à peine celle de la société d'État malaise Petronas pour une autre société canadienne, Progress Energy Ressources, d'une valeur de 5,5 milliards et représentant une prime de 77% sur le dernier cours de l'action. Ces deux prises de contrôle pourraient pousser d'autres acquéreurs potentiels à bouger plus rapidement, fort probablement avec d'aussi importantes primes à la clé, estime l'analyste Andrew Potter, de CIBC.

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NEXEN, Calgary

207 000

Production quotidienne de barils (pétrole-équivalent), dont 80% en pétrole

2,3 milliards

Réserves et probables, en barils de pétrole-équivalent

6,5 milliards $

Revenus

3000: Nombre d'employés

CNOOC, Pékin

909 000

Production quotidienne de barils (pétrole-équivalent) par jour

3,2 milliards

Réserves prouvées et probables, en barils de pétrole-équivalent

61,2 milliards $

Valeur totale des actifs, d'après la société

5377: Nombre d'employés

Sources : Nexen, CNOOC, Note : Toutes les données concernent 2011