Partout en Amérique, les producteurs de gaz naturel mettent la pédale douce sur la production pour tenter de faire remonter le prix de la ressource, qui a atteint récemment son plus bas niveau en 10 ans.

La semaine dernière, le géant Talisman a annoncé une réduction de 400 millions de ses dépenses dans le secteur du gaz, la deuxième en deux ans. D'autres comme Exxon, Encana et Chesapeake ont fait la même chose, dans l'espoir qu'une baisse de l'offre finisse par arrêter la chute du prix du gaz, et de leur rentabilité.

Ces efforts semblent avoir un effet, puisque le cours du gaz naturel s'est légèrement redressé au cours des derniers jours. Après avoir chuté à 1,90$US par MBTU (ou million de British Thermal Unit, mesure largement utilisée) le 19 avril dernier, le gaz naturel se négociait à 2,28$US par MBTU à la fermeture des marchés vendredi dernier.

Une réduction de la production, associée à une augmentation de la consommation générée par les prix très bas, pourrait soutenir le prix du gaz dans les prochains mois, selon Jean-Thomas Bernard, spécialiste de l'énergie et professeur à l'Université d'Ottawa. «L'ajustement va venir des deux côtés, de l'offre et de la demande», dit-il.

Le prix du gaz naturel pourrait donc augmenter, mais de façon limitée à cause de l'abondance de la ressource contenue dans les schistes. Aux États-Unis, le ministre de l'Énergie ne prévoit pas un prix supérieur à 5$US par MBTU dans les 15 prochaines années. C'est bien loin des 12$US par MBTU de 2008.

La demande refait surface. À cause de son prix très bas, le gaz naturel a remplacé de plus en plus le charbon comme source d'énergie pour produire de l'électricité aux États-Unis. La part du charbon dans la production d'électricité est passée de 50% à 46%, rappelle le professeur.

Même les ménages américains jugent le prix du gaz naturel suffisamment attrayant pour convertir en masse leur système de chauffage du mazout au gaz, contribuant ainsi à l'augmentation de la demande de gaz.

Le prix du gaz naturel, malgré sa timide remontée toute fraîche, est toujours inférieur de 40% à ce qu'il était l'an dernier. Des économies substantielles ont ainsi été réalisées par les consommateurs.

Gagnants, perdants

Au Québec, le gaz distribué par Gaz Métro est à son prix le plus bas depuis 12 ans. L'entreprise a calculé que ses clients résidentiels ont économisé 50$ depuis un an sur le prix du gaz. Pour ses clients industriels, qui consomment de plus grandes quantités de gaz, l'économie atteint 1484$.

Le gaz naturel fait aussi une percée dans le secteur du transport, notamment avec le projet de la firme de camionnage TransForce qui veut convertir une partie de sa flotte au gaz naturel. Dans une étude récente, le Conference Board estimait que des économies de 158 000$ par véhicule pouvaient être réalisées sur une période de 10 ans en troquant le diesel pour le gaz naturel dans les flottes de camion.

Le prix très bas du gaz naturel ne fait pas que des heureux, à commencer par les actionnaires des entreprises productrices. Le titre de Talisman, par exemple, s'échange à son prix le plus bas depuis deux ans.

Le développement des énergies vertes sur le marché américain a aussi été freiné par le bas prix du gaz.

Hydro-Québec, qui investit des sommes colossales pour profiter du marché américain, a vu la rentabilité de ses exportations fondre au même rythme que le prix du gaz naturel, qui sert d'étalon pour fixer le prix de l'électricité dans ses principaux marchés.

Le quart du gaz consommé aux États-Unis est maintenant du gaz de schiste et en raison de son abondance, des surplus apparaissent. Alors qu'hier encore, des entreprises pilotaient des projets de terminaux pour importer du gaz liquéfié, le mouvement s'est inversé et les mêmes joueurs veulent développer des infrastructures pour exporter les surplus de gaz.

Le prix du gaz naturel est trois fois plus élevé en Europe qu'en Amérique du Nord, et huit fois plus élevé au Japon, ce qui rend les marchés d'exportation très attrayants pour les producteurs nord-américains.

Deux projets de terminaux d'exportation ont déjà obtenu le feu vert réglementaire, un à Kitimat en Colombie-Britannique et l'autre à Sabine Pass, en Louisiane, un signe que les investisseurs croient que les bas prix dureront encore un bout de temps.