Pendant qu'au Québec des citoyens, des groupes environnementaux et des municipalités demandent un moratoire sur l'exploration d'uranium, un imposant projet minier force la population de la Virginie à se demander si elle ne devrait pas lever son moratoire en vigueur depuis trois décennies. Est-ce que les deux territoires deviendront des producteurs du métal radioactif?

Quelque 120 millions de livres d'uranium - ou plus de 6 milliards de dollars - dorment dans le sous-sol de Coles Hill, en Virginie, depuis que l'État a imposé un moratoire sur l'exploitation du métal radioactif, en 1982. Une société minière du coin, appuyée par des intérêts canadiens, souhaite maintenant la levée du moratoire. L'enjeu divise la population et le débat fait rage.

De passage à Montréal, le gouverneur de la Virginie, Robert McDonnell, a déclaré qu'il appuierait la levée du moratoire s'il pouvait être certain que l'exploitation ne générerait pas d'impact négatif sur la santé, la sécurité et l'environnement. Sinon, il s'y opposera. «Je n'ai pas encore de position parce que nous n'avons pas encore tous les faits et toutes les données scientifiques», a-t-il indiqué en marge d'une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal.

Groupe de travail

En janvier, le gouverneur républicain a créé un groupe de travail qui doit recueillir toutes les informations scientifiques disponibles pour déterminer si le moratoire doit être levé - et si oui, à quelles conditions. La démarche a des ressemblances avec l'évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste au Québec.

En entrevue avec des représentants de La Presse Affaires et de Bloomberg, M. McDonnell a résumé le dilemme de la Virginie. Lever le moratoire permettrait de développer un des plus importants gisements du monde, au moins quatre fois plus important que celui développé par Ressources Strateco, au Québec.

Sauf que les autres mines d'uranium américaines sont situées dans des endroits beaucoup plus secs. Coles Hill, dans le sud-ouest de la Virginie, est situé dans un secteur où les pluies sont plus abondantes, avec quantité d'eaux souterraines. Plusieurs ont manifesté des inquiétudes quant à la pollution de l'eau et quant à la gestion des tonnes de résidus radioactifs dans les siècles à venir.

Un rapport du National Research Council, publié en décembre, affirmait que l'exploitation était possible, mais qu'une levée du moratoire s'accompagnerait d'obstacles imposants à surmonter, en matière de réglementation, d'information et de consultation. L'organisme ne prenait pas position.

M. McDonnell espère que son groupe de travail pourra rendre son rapport avant la fin de l'année de sorte que l'Assemblée générale, qui regroupe les deux chambres législatives, puisse rendre une décision en janvier prochain. C'est à elle que revient le dernier mot.

M. McDonnell concède que la population est divisée, et que plus on s'approche du gisement, plus les gens s'opposent au projet. «Obtenons les faits scientifiques et laissons les gens répondre, dit-il. Beaucoup de groupes environnementaux ont pris leur décision, ils sont contre et ils ne veulent pas qu'on étudie la question. De l'autre côté, il y a les sociétés d'énergie, toutes pour le projet. Tout le monde a son idée déjà faite, sauf le citoyen ordinaire, qui n'a pas toutes les informations.»

Filière nucléaire

La Virginie compte une filière nucléaire non négligeable. Une centrale nucléaire est en activité et une deuxième est planifiée. Le géant français Areva a son siège nord-américain dans la ville de Lynchburg, tout comme le groupe des activités nucléaires de la société énergétique Babcock&Wilcox.

Si les États-Unis vont davantage vers le nucléaire pour l'énergie, note M. McDonnell, il faut réfléchir à la question de l'uranium. «Environ 92% de l'uranium aux États-Unis provient de l'extérieur du pays. On sait qu'on doit être plus indépendant sur le plan de l'énergie. On sait que ça créera des milliers d'emplois, des centaines de millions de revenus d'impôt. Si on peut le faire de manière sécuritaire, faisons-le.»

Le promoteur du projet Coles Hill est Virginia Uranium, incorporée en Virginie. Il s'agit d'une filiale à 100% de la société canadienne Virginia Uranium Holdings (VUH), elle-même détenue à 52,5% par les propriétaires des terres visées par le projet. Sprott Resource Corp, de Toronto, détient 18% de VUH, tandis que la société cotée en Bourse Virginia Energy (VAE au TSX Croissance) possède les quelque 30% restants. Virginia Energy, établie à Vancouver, compte aussi des propriétés uranifères dans les monts Otish, au Québec.